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Les France de Hidalgo, Jacquet, Blanc ou Deschamps…

Après France-Belgique et avant la finale de Moscou, encensons Didier Deschamps autant que Charles Darwin. Sans l’inventeur de la théorie de l’évolution de l’homme, on oublierait presque celle de l’évolution du jeu de football. Et de ses concepteurs, façonneurs, fertilisateurs et autres technico-tacticiens.

Un beau soir de l’été 1982, à Séville en Espagne, en demi-finale de Coupe du monde, une équipe de petits Français magnifiques joua sans doute deux heures durant  le plus beau match de l’histoire du football contre des Allemands très grands, très forts et aux dents carnassières. Après un combat épique, le méchant loup dévora le tendre mais valeureux agneau. On applaudit son courage, on pleura, on vénéra l’entraîneur Michel Hidalgo, capable de tenir ainsi tête au monstre.

Et l’on se dit alors que les fils de Platini devaient seulement se faire des griffes. On crut le fait arrivé dès l’Euro victorieux de 1984, mais en réalité ce même Platini  fit lui-même le boulot. On persévéra avec un jeu toujours plus offensif, léché, bref à la Française… Les Coupes du monde et les Euros passèrent…

En 1994, Aimé Jacquet, héritier des coaches habillés en pulls de laine et apôtre d’un jeu curieux, fait de neuf et d’ancien, formate une équipe apparemment sans âme juste bonne à s’écrouler en demi-finale de l’euro 1996. Il parle, on le raille, il schématise, on le brocarde, il prophétise, on le crucifie. Il insiste. Le Mondial 1998 se profile en France. Ces Bleus, on les veut offensifs, brillants, empanachés, pour gagner enfin chez eux, chez nous, avec leur beau jeu.

Mais la bleusaille, y compris son quart de dieu Zidane, a les pieds carrés, rectangulaires même. Le père Jacquet, dans son coin, a trimé, bossé son système – comme on commence à le dire à l’époque pour copier le fonctionnement de l’univers -. Il a trimé, sué, a expliqué à sa façon à ses ouailles son mode de fonctionnement copernicien. « Muscle ton jeu » Robert, ou « tu te crois où là Zizou ? »…

Son but à Aimé est simple. Mais sur le moment on ne le comprend pas. Et on – la presse, le public, les experts, les autres – n’arrive pas à comprendre si il ne veut pas le faire comprendre ou si il ne parvient pas à le faire comprendre. Ce but c’est d’attaquer mais surtout de défendre avant d’attaquer. Il fait un peu le ménage, chasse deux ou trois impénitents, choisit un ou deux fils prodigues, et se fait une ultime fois assassiner par les medias avant le Mondial après une série de matches calamiteux d’ennui. Il soulève le trophée un mois après.

Dans les années 2010, tout refout un peu le camp. Laurent Blanc, par exemple, se laisse aller aux plaisirs démodés du foot champagne, se voit l’imitateur d’une Espagne très probablement seule capable de produire un jeu à mille passes et des buts au bout de chaque passe à dix.

De 1996 à 2018, les Bleus sont allés trois fois en finale de la Coupe du monde. Didier Deschamps s’est évidemment inspiré de tout ce beau monde. Avec sa touche personnelle. Qu’il a, comme ses prédécesseurs, l’intelligence de mal expliquer à l’avance.

 

Mondial 2014 – France Suisse : Ne philosophons pas trop…

Comme le disait un penseur du football présocratique, pour marquer des buts il faut que la défense adverse commette des erreurs. Et si l’on veut bien poursuivre dans ce type de raisonnement footballo-philosophique, arrêtons-nous un peu sur ce France-Suisse (5-2) si riche en leçons technico-Platoniques.

Oui, nos petits Bleus on peut être bien opéré leur maïeutique comme l’enseignait Socrate. Ils ont semble-t-il en quatre ans tiré du plus profond d’eux-mêmes, c’est-à-dire des sièges arrière du bus de Knysna, des ressources insoupçonnées de forces morales et de jugeote…

Maître Didier Deschamps y est-il pour quelque chose ? On est tenté d’y croire étant donné le niveau de réflexion, assez proche de celui de la mer, de la bande à Anelka et Ribéry, en Afrique du Sud…

Face aux Helvètes, l’équipe de France est heureusement revenue à son état de nature, à l’instar de la bonne vieille théorie de Jean-Jacques Rousseau. C’est-à-dire qu’elle n’a pas trop réfléchi. À vrai dire pas réfléchi du tout, et c’est ce qui lui convient le mieux.

Car après tout, comme Benzema et Valbuena, il vaut mieux laisser parler ses pieds, plutôt que sa langue, quand on en possède de si talentueux.

Deschamps, donc, est-il le Nietsche du ballon rond tricolore ? Celui qui aurait annihilé toute fonction neuro-logique destructive chez ses joueurs dans un car au profit de leur énergie purement créatrice sur la pelouse ?

Oh la la ! Ne philosophons pas outrageusement. Ce ne sont que huit buts pour l’instant en phase éliminatoire. Et seulement un huitième de finale, sans doute, et des joueurs qui prennent leur… pied. Mais pas encore de descente des Champs-Elysées ni de réception chez François Hollande, dont on se dit autour des zincs qu’il pourrait devenir le digne successeur, en quantité de veine de pendu tout du moins, de Jacques Chirac.

Or, donc, ne vendons surtout pas la peau de l’ours. Ne boudons pas non plus Machiavel, qui pourrait lui aussi ramener sa fraise aussi vite que beaucoup d’autres moulineurs de cerveau. « Les hommes sont méchants et ne pensent qu’à mal », proférait cet homme noir du bulbe.

A l’image de nos nouveaux Bleus, ne philosophons pas trop…

C’était beau les châteaux en Espagne…

On y croyait, un peu ou beaucoup selon le degré d’alcool ingurgité ces derniers jours ou selon le niveau normal de lucidité d’un observateur assez avisé du monde du ballon rond.

Autrement dit, les Bleus pouvaient tout à fait battre la meilleure équipe de tous les temps ou se faire humilier au Stade de France par cette même invincible et sublime Espagne. Selon par exemple que l’on soit très croyant en la magie Benzema, ce pouvoir mystérieux dont la réapparition aurait été possible après mille minutes d’évaporation. Ou bien par un phénomène appelé Ribéry, ou pourquoi pas par de la sorcellerie nommée Didier Deschamps. Ou, at last but not least, un élixir de jeunesse désigné sous le pseudonyme de Pogba

Le résultat fut quelque chose ne ressemblant vraiment à rien de tout ça. Une défaite en forme de bouillie au parfum à peu près respirable. Encourageante comme on disait à l’époque lointaine où l’équipe de France étaient si nulle et pauvre dans le jeu qu’il n’y avait rien d’autre chose à dire qu’il ne restait jamais qu’un espoir, c’était de la voir bien jouer un jour.

Barrages en vue, baraque attendue avant possible samba…

Ce mardi 26 mars 2013, cette défaite a été inéluctable. Mais pas vraiment infâmante. La Roja d’Iniesta et princes consorts du ballon était à peu près à son niveau. Ni au-dessus, ni bien en dessous. La France était la France. Et donc, tout le monde à sa place, probablement définitivement jusqu’au terme de ces éliminatoires de l’annoncée comme fabuleuse Coupe du monde au Brésil l’année prochaine. Chacun aussi sa chanson, son hymne, l’un sans paroles, l’autre avec, malheureusement peut-être pour la seconde…

Et Benzema, c’est trop officiel, qui ne sait plus du tout où se trouvent les filets adverses. Et Ribéry qui n’est pas, et ne sera jamais, mais qui peut le lui reprocher, un héros. Et le jeune Pogba qui l’est encore trop. Et Deschamps qui ne peut pas, pas plus d’ailleurs que Domenech ou Blanc, gérer ces soucis et tant d’autres comme par miracle.

Plus de châteaux en Espagne, donc. Mais au point pas si catastrophique où l’on en est, on le souhaite, on le désire, bien que l’on enrage à mort depuis l’ignoble Knysna et ce qui s’est ensuivi de maléfique, une petite baraque en préfabriqué appelée barrage pour y dormir à peu près tranquille avant l’éventuel carnaval de Rio et autres plages à samba.

Les Bleus et le monde à l’envers !

Il y a des soirs où tout tourne à l’envers, où le ballon est même complètement fou. L’équipe de France qui rivalise avec l’Espagne et l’Allemagne qui n’est plus l’Allemagne…

Ah, notre pauvre troupe de Bleus, risée de l’Europe depuis trop de lustres, qui s’en va faire la nique aux super-Ibériques, champions d’Europe, du monde et de tout l’univers du foot. Enfin, la nique, c’est un peu beaucoup dire. Parce qu’ils avaient quand même les pieds assez carrés ce mardi les Deschamps boys à Madrid pour leur premier grand rendez-vous des éliminatoires de la Coupe du monde 2014. Mais leur caboche, alors, leur caboche, elle a fonctionné à plein quotient, une rareté depuis six ans.

Les onze systèmes de réflexion (et ceux des remplaçants) et d’action étaient même farcis d’intentions dont on ne les croyait franchement plus capables. Pour tout dire et résumer de cette soirée assez miraculeuse côté tricolore, on peut même avouer qu’on n’a même pas remarqué le plus léger signe de pétage de plombs, c’est à dire de neurone. Autrement dit rien qui aurait pu ressembler à ce à quoi on avait été accoutumé pas plus tard qu’au dernier Euro. Pas le moindre petit geste déplacé dont les Bleus assuraient brillamment la mode ces dernières années, du genre main pas serrée, réflexes de gamin mal élevé ou, pire, gros mots envers des journalistes.

Du bus de Knysna au buzz de Madrid !

Parce que, oui, paradoxalement, pendant 93 minutes, ils ont raté techniquement à peu près tout ce qu’ils voulaient les Français à Vicente Calderon, des contrôles, des relances, des buts tout faits, sauf un, sur leur ultime occasion, à zéro seconde de la fin du temps additionnel… Ribéry qui déboule sur la gauche et qui centre sur Giroud, et le but du bout du bout de la Castille (1-1). L’explication de ce match au final féérique des Français dans le domaine du combat et de la motivation ? Personne ne la connaît vraiment. Des Espagnols peut-être suffisants après, pour eux, six ans de triomphes ininterrompus ? Une brusque envie chez les Français de ne pas se sentir une énième fois humiliés ? Un nouvel entraîneur, Didier Deschamps, qui aurait découvert la pierre philosophale du collectif sur les terrains de Clairefontaine ? Questions sans réponse…

Au final, un point arraché aux meilleurs joueurs du monde quatre jours après une défaite infamante (0-1) au Stade de France contre le Japon. Le monde à l’envers…

A l’envers, oui. A Berlin, l’Allemagne a mené quatre buts à zéro contre la Suède. Et l’Allemagne n’a pas gagné ! L’Allemagne a encaissé quatre buts dans la dernière demi-heure, dont évidemment le dernier, à la dernière seconde. Il n’y a plus de saison, il n’y a plus de Manschaft.

Ah, on me dit qu’il resterait au bord d’une pelouse à Knysna un vieux bus aux rideaux fermés…

La passe décisive à Ribéry de la ramasseuse de balle patriote

Dans ces temps incertains où les valeurs se perdent et se confondent dans la mondialisation ou les querelles de civilisation, il reste quand même dans notre vieux pays des bons petits bien obéissants et à qui on remettrait bien une grosse médaille rien que pour ça.

Une jeune ramasseuse de balle de France-Biélorussie s’est offert ce mardi un moment de gloire peu commun dans la lumière un peu terne du Stade de France. Et qu’elle racontera à ses arrière petites filles dans un demi-siècle au coin du feu quand les Bleus auront huit étoiles sur leur maillot. Ludivine, la bien nommée, se trouvait au bord de la pelouse, sans doute choisie par la Fédération française de football pour ses récents mérites dans sa classe depuis la rentrée ou sur recommandation de son entraîneur dans un club de la banlieue dyonisienne.

Et Ludivine, dix ou douze ans au plus au vu des images de TF1, semblait d’ailleurs quelque peu tétanisée par cet honneur. A la 49e minute de jeu, le score est de zéro à zéro et l’on s’est ennuyé jusque-là comme d’habitude assez ferme devant le spectacle offert par la plus grande chaîne d’Europe et sa plus barbante vitrine en prime time : celui des Bleus de Didier Deschamps, successeur de Laurent Blanc et Raymond Domenech. La petite fille en survêtement porte un ballon en main, c’est son devoir et elle l’effectue en excellente élève. Mais elle rêvasse un peu, songeant sans doute depuis le début du match à la majesté du lieu et à ce qu’elle pourrait raconter de beau et d’inoubliable en rentrant chez elle à ses parents.

Ludivine se fait engueuler par Ribéry mais s’exécute et lui fait une passe décisive…

Et elle ne semble d’ailleurs pas dans un premier temps apercevoir Franck Ribéry qui fonce sur elle dans sa direction d’un air peu amène. Le beau et génial Franckie lui adresse même une remontrance, dont elle ne saisit pas tout de suite la signification. Un défenseur biélorusse vient de dégager un ballon dans les tribunes, et c’est elle Ludivine qui est, selon Ribéry, la détentrice évidente du ballon qui doit revenir en jeu à la place de celui qui s’est envolé. La jeune fille y met le temps, deux secondes environ, mais elle pige ce pourquoi elle se doit précisément de faire à cet endroit.

Elle se souvient alors de sa mission de base, dont on lui a fait très certainement répéter les gestes dans l’après-midi. Ni une ni deux, elle jette l’objet avec un joli style de basketteuse dans les mains du demi-dieu qui s’empresse de jouer la remise en jeu. La défense biélorusse est légèrement prise de court, ce qui suffit à la déséquilibrer l’espace d’un instant et à entraîner pour elle l’irréparable cinq secondes plus tard. Ribéry a récupéré la balle qu’il avait transmise à Benzema et l’a centrée sur Capoue qui marque le premier but des Bleus, résultat inespéré d’abord au vu de leur imagination générale et ensuite du déroulement particulier de l’opération burlesque et brinquebalante qui avait précédé…

Comme débloquée, transfigurée presque par cet épisode singulier, l’équipe de France en enchaînait dans les vingt minutes suivantes deux autres tout aussi étonnants et favorables. Un centre du Parisien Jallet se transformait en tir en pleine lucarne et un nouveau déboulé de Ribéry se concluait par un ballon piqué victorieux du Bavarois préféré de Zahia. 3-1 au final et un bilan de six points en deux matches, pour le moins flatteur mais, comme on dit, six points de pris et qui ne sont plus à prendre, surtout en vue de la suite et de la double confrontation nucléaire avec l’Espagne…

Ludivine, la ramasseuse de balle, a peut-être sauvé – provisoirement, mais l’espoir fait vivre – une équipe de France à deux balles.