Il faut être clair, si on ose dire. Lance Armstrong est un tricheur. Ni plus ni moins. Qu’il soit américain ou qu’il ait été d’une autre nationalité, française y compris naturellement, n’y change rien. Qu’il soit cycliste ou qu’il ait été footballeur, athlète ou karatéka, n’y change rien non plus. L’ancien champion aujourd’hui triathlète est depuis hier poursuivi par ses instances nationales (l’USADA, agence américaine d’antidopage) qui lui ont signifié officiellement qu’ils ne le lâcheraient plus…
Il n’y a pas d’acharnement à dire les choses par leur nom. Il y a eu trop d’hypocrisie depuis longtemps, trop longtemps. Le Tour de France, plus grande épreuve sportive annuelle du monde, a sacré un nombre invraisemblable de vainqueurs imposteurs. Jacques Anquetil l’a avoué le premier, on ne pouvait pas selon lui gagner le Tour » à l’eau claire »… Beaucoup d’autres ont suivi, reconnu leurs fautes, celle des autres, parlé, avoué, payé… Armstrong résiste, pour combien de temps ?
Le septuple vainqueur de la Grande Boucle a jusque-là échappé à toute sanction. On peut en rire ou en pleurer… Toutes les preuves le concernant, et elles existent par dizaines, ont été soigneusement écartées, enfouies ou simplement dénaturées voire falsifiées, pendant des années par les instances internationales du cyclisme et notamment par son inénarrable président Hein Verbruggen, défenseur en chef des dopés. Verbruggen, comme d’ailleurs l’immense majorité du public mais pas pour les mêmes raisons, a toujours privilégié la performance au détriment de la santé des coureurs et de l’éthique, une notion je vous l’accorde qu’il faudrait déjà définir…
Armstrong est un monstre de volonté…
Ce qui dérange, ce qui me dérange le plus, c’est cette hypocrisie. Le mot est d’ailleurs inapproprié. Il s’agit en réalité d’inconscience, de déni comme l’on dit, des deux en fait. On se voile la face. Armstrong est à ce sujet à mon avis une personnalité double au sens de la psychologie. L’homme est certainement intimement persuadé qu’il est dans son bon droit. Son cancer l’a sans doute totalement changé. A partir du moment où il est repassé dans le monde des vivants, il a entamé une sorte de croisade pour lui mais aussi pour les autres, et très vraisemblablement avec une authentique croyance, en créant sa fondation.
Tout s’est ensuite enchaîné. Il a voulu gagner, à tout prix. En y mettant tous les moyens, licites ou illicites, physiques et thérapeutiques, et même un système de communication d’une splendide perversité. Le sportif est devenu un monstre de volonté, dépassant sur ce plan tous ses prédécesseurs pourtant souvent déjà des phénomènes. Rien ne l’a fait dévier de sa trajectoire pour devenir un surhomme. Il y est parvenu. Mais en dehors de quelques contempteurs aussi idolâtres que faussement naïfs, Armstrong n’a jamais suscité de véritable admiration. Il y a toujours eu un astérisque invisible mais tellement voyant aux côtés de son palmarès ou de ses exploits. Du genre, Armstrong a gagné mais c’est trop beau pour être vrai. Personne au monde n’oserait lui accoler le terme de meilleur cycliste de tous les temps !
Armstrong, pour les raisons ci-dessus, va se défendre, encore et encore. En businessman affirmé et en homme intelligent, on ne peut lui retirer cette qualité, il va pour la énième fois faire appel aux avocats les plus émérites et les plus chers – il en a les moyens après avoir mis en place un système formidable de revenus annexes – pour sa cause. Une cause qui, rappelons-le, il croit juste… Si juste, si universelle pourrait-on dire, qu’il ira jusqu’au bout… C’est pour cela précisément qu’il faut que ses adversaires aillent aussi au terme de leur mission. Une course impitoyable dont l’arrivée n’est pas encore en vue…