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XV de France : Vivre et laisser mourir…

Rien de neuf. Nos Bleus sont nos Bleus et ils finiront un jour, c’est sûr, par nous faire stopper net la circulation sanguine. Oui, mon coeur est bleu mais, je l’affirme, cette équipe de France un beau matin de cette Coupe du monde m’achèvera, d’une crise cardiaque ou d’un infarctus malin.

Je m’en fous, je partirai en ayant vu ce que les Anglais ou les Australiens ou les Springboks n’auront jamais vu, des triomphes monumentaux sur les Blacks en 1999 ou 2007. J’aurai aussi disparu avec des souvenirs pénibles, comme cette victoire contre le Japon (47-21) où mes Bleus auront eu raison de ma raison, trituré sans scrupule les recoins les plus sombres de mon hypophyse…

Supporter l’équipe de France de rugby, c’est une longue marche vers le paradis ou l’enfer…

Comme d’habitude, le Quinze de France n’arrivera jamais à nous tranquilliser, à nous rassurer, nous garantir des jours calmes ou sereins. Face aux Nippons, on pensait pourtant que la première période nous retirerait enfin nos doutes primitifs, nos craintes nées ces derniers mois ou années d’atermoiements. Yachvili, Estebanez, Lakafia et le cinq de devant, avaient semble-t-il assimilé à fond leurs trois mois de préparation. Que nenni ! Les Japonais de Kirwan, quintessence s’il en est de l’esprit rugby, les ont rappelé à leurs maux inconscients.

Tout est infernal, le pire est derrière et… devant : Blacks et Anglais en vue !

Donc, l’équipe de France va souffrir pendant ce Mondial. C’est son lot, c’est notre lot, éternel. Six semaines, je l’espère, de surveillance ultra-attentive de notre tension, de notre rythme cardiaque, de nos transmissions neuro-motrices… Et là, déjà toutes proches, les arythmies prévisibles des rencontres face aux bûcherons canadiens, aux démentiels Blacks, aux imprévisibles Tonguiens. Avant un quart, si quart il y a, devant l’un de nos plus ignobles cauchemars, la perfidissime Albion, bourreau à « l’Anglaise » d’une Argentine héroïque…

Mon dieu, avec le concours de tous vos saints si possible, délivrez-moi de ma torture !

Le XV de France, plus il m’agace plus je l’aime…

On ne les changera jamais. Les Bleus, ce sont des Gaulois. Personne, pas même eux, ne savent où ils vont. Mais ils y vont. C’est comme ça depuis Vercingétorix, et on n’y peut rien. Mais c’est bien comme ça, c’est même mieux. Jamais de certitudes, toujours des surprises en bon ou mauvais, et vive la France.

Ce samedi, on les a vus inspirés une demi-heure contre l’Irlande, fatigués la suivante et guerriers en fin de match. La victoire à la clé (19-12) ne signifie pas grand chose. A moins d’un mois du début de la Coupe du monde, pas d’enseignement à tirer sur l’état de l’équipe. Le quinze de France partira, c’est sûr, en Nouvelle-Zélande avec trente joueurs, mais sans assurance aucune d’y figurer brillamment.

Deux ou trois individualités sont certes sorties du lot à Bordeaux avant le deuxième et dernier match de préparation au Mondial, samedi prochain à Dublin face aux mêmes Irlandais. Yachvili a tenu la baraque au milieu, Dusautoir a fait du Dusautoir, Clerc a jailli aux moments clés et Lakafia a honoré en jeune premier la confiance de son sélectionneur. Pour le reste, les efforts physiques des quarante jours précédents d’entraînement ont certainement pesé dans les jambes.

Les Bleus sont comme ça, et avec ça les Blacks ont la trouille…

Mais tous les prétendants au sacre en sont au même point, ils bossent leurs muscles et travaillent leur souffle. En valeur pure, les Blacks paraissent au-dessus du lot, devant l’Australie et les Springboks. Les Anglais restent, quant à eux, les Anglais. Bref, pour ce qui est de la France, elle est cinquième au classement mondial, et a priori pas capable de passer les quarts de finale. Les douze derniers mois ont plutôt démontré une régression malgré la méthode Coué de Marc Lièvremont et une présidence invisible de Pierre Camou.

Le quinze de France ne partira pas favori de la Coupe du monde, loin de là. Le trophée Webb  Ellis ne devrait pas parader en octobre sur un bus à impériale avenue des Champs-Elysées, comme la Coupe en or des footballeurs un beau jour de Juillet 1998. Sauf que… la France est la France, et l’ovalie la rend parfois folle. D’inspiration voire de génie. Le plus beau, c’est que plus elle est moyenne, flageolante, timorée, plus elle intrigue et va jusqu’à faire peur… Je vous prie de croire que les All Blacks, tous meilleurs joueurs de rugby de l’histoire qu’ils sont, n’en mènent pas large avant le match du premier tour du 24 septembre à l’Eden Park, le stade du « Paradis », où l’enfer pourrait bien les attendre.

Je ne sais pas plus qu’eux ce qui va arriver aux Bleus au pays du Long Nuage Blanc. Comme l’a dit Oscar Wilde, l’incertitude est un charme, tout devient merveilleux dans la brume. Plus ils m’embrouillent, ces sacrés foutus gaillards, plus je les aime.

Yachvili, le sous-coté du rugby français

On en a presque l’habitude. Le talent en France n’a pas toujours la cote. Certes, on le repère vite et on le monte en épingle. Car c’est un don du ciel que notre vieille patrie, fille aînée de l’Église, ne saurait ignorer. Mais une fois montré aux ouailles, il menace carrément le Très-Haut et devient gênant. On le rabaisse et on le range parmi le commun des mortels. Dimitri Yachvili, le demi de mêlée du Biarritz Olympique, n’a à cet égard pas la reconnaissance qu’il mérite.Beaucoup d’artistes de la balle ont écumé les terrains de l’hexagone. Il n’en est resté que quelques poignées qui sont vraiment parvenues à trouver la lumière. En rugby, le plus bel exemple de ces génies maudits demeure celui de Jo Maso. Pétri de tous les dons, vitesse, agilité, sens de la passe… etc, le trois-quarts centre de Narbonne n’a connu que 25 sélections en équipe nationale alors que sa valeur intrinsèque aurait du lui en valoir le double ou le triple. Et très vraisemblablement faire profiter les Bleus de quelques Grands Chelems supplémentaires. Mais voilà, Maso était un électron libre, un mouton gris que certains voyaient noir…

En les temps actuels, il existe à mon avis un nouveau Maso. Il officie au Biarritz Olympique depuis presque dix ans comme demi de mêlée, poste pour lequel on croirait qu’il a été créé pour lui et lui seul. Dimitri Yachvili a porté 47 fois le maillot bleu. Mais ses avis tranchés, pas toujours dans le sens du vent fédéral, et sa personnalité affirmée, pouvant selon les nantis prébendés de la FFR gâter une collectivité, lui ont évidemment fait du mal lors de certains choix des sélectionneurs. Notamment à des moments critiques comme pour la dernière Coupe du monde en 2007.

Yachvili, « Yach » pour les intimes, vient pourtant ces derniers mois de produire le rugby le plus abouti de sa carrière. Son pourcentage de réussite aux coups de pied approche la perfection, son sens du jeu est inégalable à l’heure actuelle et il délivre, comme jamais auparavant, des passes dignes de Magic Johnson, la référence ultime dans ce genre d’exercice, même s’il s’agit là de basket. Face à Agen lors de la 16e journée du Top 14, il a réalisé un festival ahurissant de ces fameuses passes dans le dos ou « chisteras » que lui-même ne se permet généralement qu’une fois par match. A trois reprises, il a offert par ce tour de passe-passe un essai à ses coéquipiers. Le tout à une célérité si grande que seuls les ralentis ont pu les déceler.Que Marc Lièvremont, par pitié, réfléchisse bien avant de concocter sa liste pour le Mondial de 2011. Il (avec Maso dans le comité de sélection !) a trois numéros 9 à choisir. Nom d’un ballon ovale, que Yachvili soit de ceux-là !

Imanol et son pied de nez au Munster !

Ces gars-là ne sont pas faits comme tout le monde. Depuis trois ans au moins, les joueurs du Biarritz Olympique, j’en suis témoin, ont vécu une sorte de chemin de croix. Jeu en berne, blessures incessantes, entraîneurs déboussolés, leaders en dépression et motivation dans les chaussettes. Trois saisons en enfer.

Et les voilà en finale de la Coupe d’Europe ! En battant le terrifiant Munster en demi-finale. On devrait dire en « terrassant » le Munster. Impensable il y a seulement quelques mois. C’était le temps où les avants Rouge et Blanc reculaient sur chaque mêlée et les arrières ne faisaient des passes qu’aux juges de touche… Le temps où Dimitri Yachvili butait à dix mètres de ses pompes. Le temps où Serge Blanco, revenu dans son fauteuil de boss du BOPB, prenait chacun de ses joueurs par le colbac dans le vestiaire: « Coco, si tu veux partir, tu prends tes affaires et qu’on ne te revoie pas à Aguiléra ».

Et comme par enchantement, ce dimanche, à Anoeta, chez leurs cousins basques d’au-delà la Bidassoa, les Biarrots ont retrouvé les vieilles valeurs. Vous savez, ces mots qu’on entend en campagne électorale ou que l’on lisait dans les bulletins de la Grande Armée. Solidarité, engagement, abnégation, combat. Des idées un peu à la con qui se perdent souvent dans l’air ou entrent par une oreille et sortent par l’autre. »Soldats, je suis content de vous« , aurait dit l’Empereur aux Biarrots. Parce qu’une bataille comme celle que les soldats du BO ont livré face à la quasi-invincible province irlandaise flanquée de sa Red Army (ses supporters), peu l’auraient gagné. Mais ces guerriers-là, il aurait fallu leur marcher sur le ventre pour les enterrer. Harinordoquy, le premier. La moitié des os du corps en morceaux et l’appendice nasal fragile comme du verre, Imanol a fait un pied de nez à la médecine et au Munster. La tête enserrée d’un masque de plâtre, le torse bandé d’élastoplasts pour soutenir ses côtes cassées, le troisième-ligne international aurait tout aussi bien pu assister au match de son lit d’hôpital, où il avait été opéré il y a huit jours à peine après deux fractures du nez ! Pas le genre de la maison. Plus d’une heure sur le terrain. L’heure du brave ! Dans tous les coups, dans tous les chocs.

Et l’exemple du roc Imanol a déteint sur ses potes. Pas spécialement géniaux, d’ailleurs. Mais inspirés par le mental qui renverse les montagnes. A l’image de Trevor Hall, dont la cuillère, oui une petite cuillère, qui a fait basculer le match et offert sur un plateau le festin du Stade de France à son club. Ou de Dimitri Yachvili, petite fourmi qui a accumulé les petits tas, de passes et de buts, pour en former finalement un plus précieux, un tas d’or.