J’ai beau chercher, je ne trouve pas. Pas de grand sportif français dans notre histoire redevenu spectateur et à la fois suffisamment engagé et constructif pour prendre une place de premier plan dans le paysage du sport français ou international. Comme Romario, l’ancien attaquant star du Brésil, dont les récentes interventions ce lundi dans l’Equipe, ou dans l’Express il y a une semaine, m’ont paru comme les plus marquantes de ces dernières années.
Il y a eu bien sûr chez nous quelques exemples comme Jean-Claude Killy, Roger Bambuck ou Guy Drut, tous impliqués politiquement après leur retraite sportive. Mais sans exercer d’influence majeure sur les élites du pays. Il y a aussi Michel Platini dont le travail à l’UEFA n’est pas dénué d’efficacité mais dont la position excentrée (un comble pour Platoche) atténue le poids en France.
Ce que dit Romario et surtout ce qu’il essaie d’accomplir et de dénoncer dans son pays me parait trancher avec la bonne vieille langue de bois des sportifs tentant une reconversion et apeurés par les conséquences de leur verbe. L’ex-avant centre génial de la Seleçao met les pieds dans le plat en alertant le monde sur le fait que le Brésil ne sera probablement pas prêt pour le Mondial qu’il organisera en 2014 ou les JO de 2016. En donnant en partie raison au « banni » de la FIFA, Jérôme Valcke, qui avait eu l’audace de s’écrier qu’il fallait donner un « coup de pied aux fesses » des Brésiliens pour les réveiller…
Il s’attaque comme il dit, et toujours aussi immodestement mais avec un certain courage, aux « mecs de son niveau« … Corruption, dépenses somptuaires d’une nation pas aussi riche qu’on le laisse croire, anciens coéquipiers, tout y passe. Un franc parler valable pour son passé et ses frasques du temps de Barcelone où autres lieux par lesquels il est passé du temps de sa splendeur. Il reconnaît ses faiblesses, notamment envers la gent féminine et la manière de s’être si peu professionnellement comporté.
Romario, et c’est selon moi sa force, ne balance pas pour balancer. Il argumente par les chiffres et agit en usant de sa nouvelle position de « député du peuple ». On finira, et on a déjà commencé, par l’écouter et se ranger à ses avis.
J’aimais bien Laurent Fignon et ses cris du coeur. Ce Cyrano avait du panache. Naturellement il s’était lancé dans des combats contre le dopage et les non dits du cyclisme alors que la maladie le rongeait depuis peu et dont il savait qu’elle engendrerait une indulgence de ses propos. Le courage ne lui manquait pas, mais le cancer l’a emporté comme ses idées qu’il aurait sinon, j’en suis certain, fait au moins avancer plus vite que le petit train de sénateur où elles traînent aujourd’hui encore.
Comme Romario, sa carrière n’avait pas été un exemple de reproches, y compris sur le dopage, mais comme Romario un déclencheur dramatique (une fille trisomique) l’avait décidé à l’action. Le champion du monde 1994 veut que la Coupe du monde chez lui dans vingt-quatre mois serve à autre chose qu’au prestige passager d’un des plus puissants pays dits « émergents » du monde (les BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ou à celui de ses castes huppées. De la pure démagogie ? Pas si sûr. Romario a déjà obtenu des résultats, sur le plan des services aux handicapés naturellement, et sans doute au plan d’une prise de conscience nationale sur la corruption et l’utilisation des fonds dont le Brésil dispose grâce à l’incroyable développement récent de son économie.
Quel ancien champion en France oserait s’attaquer à des problèmes dont chacun sait qu’ils existent ? Aucun malheureusement.