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Boudjellal, ou les 130 jours de Sodome !

J’ai longtemps hésité avant de pousser la métaphore sexuelle sur le terrain sportif. Mais l’actualité m’a finalement commandé de m’aventurer sur ce terrain ô combien délicat mais si tentant… Deux grands egos, j’oserais dire deux grandes libidos du sport, Mourad Boudjellal et José Mourinho, ont cette semaine tâté à la chose, et fait tressaillir nos sens, voire notre fondement.

« J’ai subi ma première sodomie arbitrale«  a lancé l’autre jour Mourad Boudjellal. L’affaire a fait du bruit. Les limites habituelles, pourtant de plus en plus élastiques, des convenances dans le sport, avaient semble-t-il été franchies. D’autant que ces propos graveleux pouvaient s’interpréter de surcroît par un délit d’homophobie (« Je n’aime pas ça… ») et aggravaient le cas de l’impétrant, déjà peu coutumier de réflexions de premier communiant.

Et le président du RC Toulon, malgré ses efforts médiatiques depuis huit jours pour dédramatiser ses paroles, sans vraiment apaiser le débat (« Le rugby français est raciste ») vient d’être privé (par la Ligue nationale de rugby) de banc, de couloirs, de zone presse et de vestiaires jusqu’à la fin de la saison de Top 14. Pendant cent trente jours exactement. A dix jours près, le temps imparti aux protagonistes créés par le Marquis de Sade (et repris en version cinématographique par le réalisateur Pier Paolo Pasolini) dans « Les 120 journées de Sodome » pour s’adonner aux plaisirs les plus scabreux et interdits…

L’arrière-train de Boudjellal n’a ce coup-là pas trop sifflé…

Mais Mourad Boudjellal ne sera pas interdit selon les attendus de la sanction (pour pourtant pas moins qu’une « atteinte à l’image du rugby, à l’éthique et à la déontologie sportive« ) d’exercer ses fonctions de dirigeant ni d’accès aux tribunes et donc de sa jouissance hebdomadaire, sans naturellement l’excitant de l’instrument phallique… Ses pairs (les autres présidents) ont donc à son égard fait preuve d’une certaine clémence, preuve que leurs mentalités ne sont sans doute pas au royaume d’ovalie aussi fermées que cela à la liberté de ton, voire aux images libidineuses.

On n’est pas loin, sans insister lourdement sur l’allusion, d’un retournement de situation. Boudjellal, aussi satisfait qu’ironique à l’entendu de sa sanction, s’en est presque réjoui, enfonçant le pieu (heu… le clou) à l’envi : « Ce qui les fait chier, en fait, c’est de voir ma gueule… On n’a jamais autant parlé de sodomie« ).

A propos d’activités, ou de conversations, réservées aux majeurs avertis, un autre personnage a illustré par image un peu osée une remarque faite à l’arbitre (encore eux) de la rencontre qui venait de se terminer entre le Real Madrid et Barcelone. José Mourinho, l’entraîneur madrilène, dont la patience n’est pourtant pas la vertu principale, a attendu l’homme en noir plusieurs minutes sur le parking du Nou Camp et lui a lancé un chaleureux remerciement : « Chapeau l’artiste, tu nous as bien baisés…! »

Décidément, en rugby, comme en foot, les couples, même les plus improbables, se forment.

Brock James, tant de bonheur, est-ce possible ?

On en avait vu des beaux matches de rugby ces dernières années, mais celui-là…

Tout, on  a tout vu dans cette demi-finale du Top 14 entre Clermont et Toulon, jouée à Geoffroy-Guichard, l’enceinte à qui il ne manquait plus qu’un match de rugby d’anthologie pour mériter complètement sa réputation de stade  de légende.

Pour faire d’une rencontre un événement inoubliable il faut inévitablement être deux. Et elles furent bien deux, l’ASM et le RCT. Deux équipes aussi motivées, aussi acharnées, aussi joueuses l’une que l’autre. Le résultat final n’a en conséquence tenu à pas grand chose. Et même à rien, a-t-on coutume de dire en sport. Et ce rien, paradoxalement, fait tout.

D’ailleurs, s’il ne fallait ne retenir qu’un fait, un seul, de cette furieuse et à la fois magnifique « bataille » de Saint-Etienne, je m’arrêterais à cette action de la 92e minute, dans la deuxième partie de la prolongation.

Les Jaunards ne menaient que de trois petits points, ne songeaient pas un instant à faire les fiers. Ils avaient déjà vu les hommes de Philippe Saint-André leur opposer tant de résistance, tant de rage, bref tant d’âme, pour rester dans la partie qu’ils ne pensaient pratiquement plus qu’à une chose, conserver leur avantage. A tout prix. Quitte à franchir les flammes de l’enfer, à en perdre souffle et conscience. Et c’était à cette limite que s’était déjà avancé Morgan Parra, l’un des héros de cette partie titanesque. Le demi de mêlée de l’équipe de France, une nouvelle fois formidable d’audace et de précision (quatre pénalités, dont deux de 50 m, et une transformation), avait carrément été mis k.o. sur un choc de tête, et était sorti avant les vingt minutes de la prolongation.

Pour en arriver là, le RCT avait refait dans les cinq dernières minutes du temps réglementaire un retard de dix points ! De rage et de revanche réunies. Car, quelques instants auparavant, l’essai auvergnat de Zirakashvili accordé par l’arbitre n’était pas valable,  la vidéo passant sur les écrans du stade prouvant clairement aux joueurs et aux spectateurs (et à l’arbitre !) que le ballon avait clairement échappé au Georgien !

92e minute, donc. Le ballon part du pied de Jonny Wilkinson, également l’un des formidables acteurs de cette représentation inoubliable (auteur de la pénalité de l’égalisation à la 77e minute), et atterrit dans les mains de Brock James. A cet instant, l’Australien n’est plus que le simple numéro 10 de Clermont. Un ouvreur redevenu banal. Qui ne botte plus pour son équipe. Il en a pourtant été la poutre maîtresse depuis quatre saisons, la portant, la soutenant très souvent à lui tout seul par la qualité unique de ses tirs au but, de ses drops, de ses passes millimétrées. Car, il y a un peu plus d’un mois, James a vécu la pire soirée de sa vie, sur la pelouse boueuse et maudite du Leinster en quarts de finale de la Coupe d’Europe. Le trou noir, le cauchemar. Quatre pénalités égarées dans les tribunes, et surtout deux drops dans l’axe, pour la victoire, aimantés par l’extérieur des perches. Deux coups de pied tombés qu’il aurait passés, en temps normal, les mains attachées dans le dos et un bandeau sur les yeux ! On lui avait donc expliqué du côté de Marcel-Michelin, poliment, eu égard aux services rendus, qu’il devait se « recentrer » sur son jeu, qu’il ne buterait plus ni ne prendrait de vraies responsabilités. En termes clairs, on lui avait retiré les clefs du camion. Autant retirer ses griffes à un chat…

92e… James est quasiment sur la ligne médiane, sur la droite du terrain, pas en position idéale, loin de là. L’informatique le dira à cinquante-sept mètres de la cible. Mais il n’hésite pas, il arme son pied droit, le ballon en est éjecté mais sa trajectoire n’apparait pas limpide au premier coup d’œil. Mais il file, ce ballon, tourne de gauche à droite, comme hésitant lui-même sur sa cible, mais il va se lover entre les poteaux. Oh, le sourire de James… Que de jours et de nuits à ressasser le souvenir maudit de Dublin. Et quelle joie, à cette seconde précise d’assurer le succès de sa formation avec sa part du triomphe. Tant de bonheur, est-ce possible ?