Oui, Rafaël Nadal est un beau champion, un super champion même. Il écrase tout le reste de sa génération sur terre battue comme seul Björn Borg l’avait fait.Je ne regrette qu’une chose, c’est qu’il soit justement seul sur terre. Si seul. Ilie Nastase avait qualifié Borg d’extra-terrestre à l’époque où le Suédois ne laissait même pas à ses opposants l’opportunité de lui faire seulement verser une goutte de sueur. Nadal est trente ans plus tard tout aussi supérieur. A son meilleur, personne ne peut lui résister. La différence entre lui et ses congénères est telle que dans les très rares cas où un importun ose le déranger, l’Espagnol trouve toujours le moyen de jouer un cran au-dessus.
C’est le propre des phénomènes. Ils n’évoluent pas dans les catégorie habituelles. Cette année, sur les courts en ocre, Nadal a disputé 22 matches et les a tous remportés. Il n’a concédé que deux sets mais presque par hasard, n’étant en réalité pas inquiété une seule seconde quant au résultat final. »Bravo, merci », pourrait-on dire à l’adresse du Majorquin, à l’image de Cédric Mourier, l’arbitre de la finale de ce Roland-Garros 2010, et qui a lâché sur sa chaise ces paroles étonnantes. C’était avant le dernier jeu de cette finale et le Français avait sans doute pour la première fois de sa carrière fait un commentaire « orienté » au micro, remerciant inconsciemment le public de faire la ola mais aussi peut-être Nadal de produire un tennis aussi inouï.Alors, que souhaiter de mieux qu’un joueur qui survole autant sa spécialité ? Incontestablement, un deuxième ! Que ne jouirait-on pas d’un spectacle qui nous offrirait de vrais duels grandioses. Le plus baroque, c’est que ce deuxième joueur existe. Et qu’il est sans doute plus magique encore que « Rafa ». Inutile de vous dire que cet autre génie du jeu est Roger Federer. Mais que, malheureusement, le Suisse n’a encore jamais réussi à donner sur terre la réplique attendue à son rival.
Par parenthèse, les deux ogres de notre temps ne parviennent pratiquement jamais à se hisser l’un contre l’autre à leur meilleur niveau au même moment. Ces temps de grâce pour les spectateurs et téléspectateurs, qui auraient logiquement dû se produire un bon nombre des vingt-et unes fois de leurs confrontations, ne sont nés qu’en deux occasions, à Miami en 2005 et à Wimbledon en 2008. Curieusement les Federer-Nadal ne font pas partie de la légende. Comme les Borg-McEnroe ou les Sampras-Agassi dont les affrontements atteignaient quasiment à tout coup au sublime.
Pour ce qui est de la terre, il ne manque donc à Nadal que quelqu’un à qui parler. Dans ce cas, je suis sûr qu’il saurait quoi dire…