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Coupe du monde, souvenirs subjectifs (5/10)

Le 11 juin, coup d’envoi de la dix-huitième Coupe du monde de football. D’ici là,  je vais essayer de vous en raconter dix épisodes qui m’ont particulièrement marqué…

Maradona n’était pas comme tout le monde…

Avec la Coupe du monde, tout est amplifié, magnifié. Rien n’a changé d’ailleurs car, comme dans l’Antiquité au moment des Jeux, l’exploit se grave dans la légende. Un peu plus vite, certes. La télévision a remplacé les conteurs ou les poètes. Et les héros des odes d’hier sont les stars des écrans d’aujourd’hui.De 1982 à 1994, soit quatre éditions, Diego Maradona aura tout fait pour devenir le plus fabuleux mais aussi le plus controversé des joueurs de football. Du génie au pathétique. Du grand au tout petit. C’est simple, l’Argentin a fait naître à lui seul un parfait condensé des bonheurs et des afflictions que ressentent les amoureux de ce sport.

Le meilleur, il l’a produit en 1986. Son apogée. De l’art. Un but face à l’Angleterre en quarts de finale 1986 qui fit penser à beaucoup que Pelé lui-même n’était plus qu’un roitelet. Et des dizaines d’autres gestes, de passes, de frappes, d’inspirations qui firent de lui l’astre le plus brillant de la galaxie foot.

Le pire, Maradona ne semblait pas le craindre. Dans ce même quart de finale 1986, il avait marqué de la main. Ni regrets ni remords. C’était la main de Dieu. Diego ne cherchait visiblement pas la reconnaissance universelle. Ce qu’il voulait c’était plutôt atteindre ses buts à lui. A sa façon. Peu lui importait que cela ne plaise pas à tout le monde.

Dès sa première apparition dans un Mondial, en 1982, il s’était fait expulser. Maltraité par les Italiens, il s’était vengé. Sans réfléchir. Sa manière à lui de faire justice. Carton rouge. Mais le plus terrible fut sa dernière sortie en Coupe du monde en 1994. Déjà diminué par les fatigues de l’âge, les excès en tout genre, le Pibe de Oro avait voulu redevenir un athlète. Toujours à son idée. Il a trompé le monde comme sa propre personne. Viré de la Coupe du monde pour prise de produits dopants. Interdit. Pas pour lui.

Coupe du monde, souvenirs subjectifs (4/10)

Le 11 juin, coup d’envoi de la dix-huitième Coupe du monde de football. D’ici là,  je vais essayer de vous en raconter dix épisodes qui m’ont particulièrement marqué…1970. Trop jeune, ou pas encore touché par le virus du foot, je n’ai pas vu le Mondial mexicain dans la petite lucarne. La maladie du ballon m’ayant gagné très peu de temps après, je ne pouvais plus la soigner qu’en m’inoculant le contre-poison: des images. Pas de DVD à l’époque, même pas de magnétoscope. Juste des films super 8 de la finale Brésil-Italie, que l’on se passait et repassait après l’école chez le copain Géo Trouvetout qui savait manier le bazar infernal et bruyant qu’était le petit projecteur.Inouï. Sur le drap blanc tendu au fond de la chambre aux rideaux fermés, défilaient les prouesses de… Pelé. Pas de son. Juste des arabesques. Le premier but du roi, de la tête. Sa joie, une deuxième détente et son bras qui fend l’air. L’égalisation italienne, brouillonne évidemment. Et encore Pelé, qui en rajoutait en influençant l’arbitre. Il avait forcément raison… Ces Italiens truqueurs… But de Gerson, quel pied gauche. Pelé se remet à jouer. C’est beau, c’est beau. Remise de la tête du King sur Jaïrzinho qui marque le troisième but auriverde. Ralenti. Mes yeux écarquillés de bonheur. Je n’entends même plus le boucan du « projo ».Et puis, le chef d’œuvre. Pelé contrôle la balle à l’entrée de la surface. Stupéfiant, il arrête tout mouvement ! Complètement. Le cuir est cinquante centimètres devant lui, immobile aussi, qu’on dirait directement commandé par l’esprit du génie ! Les Italiens n’y comprennent rien. Il n’y a plus que le film qui bouge. Et Carlos Alberto, l’arrière droit brésilien. Qui rentre tout d’un coup dans le champ de l’écran, et surgit dans le dos de son numéro 10. Il y a au moins cinq secondes que Pelé a la tête dirigée droite devant lui. Impossible de savoir ce qui se passe derrière. Et pourtant, d’une caresse de l’intérieur du pied droit, il glisse presque négligemment le ballon sur sa droite. Toujours sans regarder. Un instant s’écoule… la frappe de Carlos Alberto fait trembler les filets… Brazil Campeao. Non, ça n’était pas du cinéma.

Génie, Messi, vici !

Voilà. C’est inscrit dans le marbre depuis mardi soir. Un nouveau nom a été inscrit dans la légende du football, celui de Lionel Andrés Messi.Ce football, année après année, se nourrit d’un peu de tout. Et comme l’Histoire, il passe sans prévenir de l’anecdotique au mémorable et atteint, parfois, au grandiose.Sur la pelouse du Camp Nou à Barcelone, ce 6 avril 2010, un petit homme a, à l’évidence, accompli une œuvre gigantesque avec ses quatre buts d’affilée contre Arsenal. Une prouesse qui se figera longtemps, très longtemps, dans la mémoire universelle. Car s’inscrivant de surcroît dans le prolongement des exploits de l’attaquant argentin depuis au moins deux saisons. Mais jamais à cette altitude-là, à ce point de perfection, à ce niveau de facilité.Messi n’a pas seulement marqué des buts. Il a, par ses dribbles, ses frappes, ses lobs, ses contrôles, provoqué la stupeur, l’admiration, les questions même. De même que devant un tableau ou une statue des plus fameux artistes du Louvre, chacun s’interroge. Comment le peintre ou le sculpteur procède-t-il pour susciter une telle émotion? Pas de vraie réponse. En faut-il ?Crier au génie est-il alors saugrenu ? Comme l’ensemble des observateurs avisés ou non, c’est en tout cas l’unique attitude que j’ai su exprimer devant mon téléviseur (avec celle, tout autant subliminale, de l’intervention divine, exprimée dans un post précédent). En pareil cas, je ne peux m’empêcher de me livrer au jeu si fascinant des comparaisons avec les étoiles du passé: Di Stefano, Cruyff, Pelé, Maradona, Zidane… On n’a pas fini de (bien) faire  tourner un ballon…

Coupe du monde, souvenirs subjectifs (2/10)

Le 11 juin, coup d’envoi de la dix-huitième Coupe du monde de football. D’ici là,  je vais essayer de vous en raconter dix épisodes qui m’ont particulièrement marqué…

La main de Marius

1978. Enfin une équipe de France. Vingt ans qu’on attendait ça. En tout cas, moi, en cette année de mes quinze printemps, je n’avais jamais vu de ma courte vie des coqs, comme on les appelait alors, aussi chantants. A vrai dire, jusque-là, je ne m’y intéressais pratiquement pas. Tout bêtement parce que cette équipe de France de foot, elle n’existait pas, réduite au rang de faire-valoir sur l’échiquier international. A cette époque, j’achetais L’Equipe sur le chemin de l’école, uniquement pour lire les papiers sur Saint-Etienne. Les Verts, ça, j’en rêvais la nuit. Rocheteau, Piazza, Curcovic, les frères Revelli, Bathenay

Et donc, ces Verts, qui accumulent les prouesses, voire les miracles, notamment en Coupe d’Europe, arrivent vite en sélection. A la tête de celle-ci, un petit bonhomme qui ne paie pas de mine, Michel Hidalgo, un ancien ailier du grand Stade de Reims, a succédé à Stefan Kovacs. Et avec les Stéphanois, déboule un nouveau jeune très prometteur, Michel Platini. Il sait tout faire avec un ballon le bougre, dribble comme Pelé, shoote comme Eusebio, frappe de la tête comme Kocsis et tire les coup francs comme… personne avant lui. Les Bleus, ça y est on les appelle comme ça, font une campagne de qualification pour la Coupe du monde en Argentine qui passionne le pays, enfin. En Bulgarie, Thierry Roland pète même un câble en commentant une décision de l’arbitre Mr Foote, le traitant de salaud ! Mais les Français sauvent l’essentiel (2-2). Et arrachent leur billet au match retour, Platini marquant le deuxième but (3-1).

7 juin. Buenos Aires. Deuxième match de poule des Français face à l’hôte argentin de ce Mondial. Une ambiance délirante, à faire peur. Et tous les problèmes extra-sportifs qui passent en cet instant par la tête des joueurs tricolores. Des familles françaises ont menacé Hidalgo et sa troupe pour les contraindre à parler en public du problème des personnes disparues ou enfermées par le pouvoir dictatorial argentin. Les joueurs ont voulu faire valoir leurs intérêts et ont recouvert leurs chaussures de peinture au premier match, perdu contre l’Italie, pour que l’équipementier, Adidas, revoie ses primes (ridicules) à la hausse.

Devant la télévision, je n’ai pas bien conscience de tout ça, je m’en fous d’ailleurs. Je ne me préoccupe pas à l’époque de la politique sanglante du général Videla ou des états d’âme de Jean-Marc Guillou (meneur dans l’affaire des trois bandes). Il n’y a qu’une victoire contre l’Argentine qui m’obsède. La France tient la dragée haute aux favoris de cette Coupe du monde. Plus que ça, elle est belle, magnifique. Les Sud-Américains, qui n’ont pas sélectionné le tout jeune Diego Maradona, sont, c’est un comble, déstabilisés par la virtuosité des Platini, Michel, Rocheteau ou Six. Ils ont recours à leurs vieilles ficelles, dureté sur l’homme et truquages continuels. Il reste une poignée de secondes avant la mi-temps. Kempes s’infiltre sur la gauche dans la surface, à la lutte avec Marius Trésor. L’avant-centre ciel et blanc centre comme il peut. Trésor s’interpose en se jetant de tout son corps sur le ballon, son bras gauche traînant sur le côté. Marius a toujours les bras écartées, c’est sa marque de fabrique, une sorte d’équilibre naturel. Il est l’homme qui rassure la défense française. En forme, le Guadeloupéen est le meilleur à son poste, toutes nations confondues. La balle est déviée par la main de Trésor. L’arbitre suisse M. Dubach interrompt l’action en sifflant. Les joueurs français, comme un seul homme, se dirigent vers lui, contestant une faute volontaire de leur libero. Je n’en reviens pas non plus, il ne peut pas y avoir penalty, c’est impossible. La caméra se focalise sur l’homme en noir, qui va voir son juge de touche, un certain M. Winseman, Canadien de son état. Deux francophones. Ils vont se parler en français, pas de doute, et le second va rétablir la vérité, je n’en doute pas. Tout va s’arranger entre gentlemen soucieux de justice terrestre. M. Dubach repart vers la surface de réparation, il va bien entendu donner une remise en jeu pour la France. Quoi ? Mais non, c’est penalty. M. Dubach dira plus tard qu’il a simplement vérifié auprès de son assistant (comme on dit maintenant) si le ballon n’était pas sorti, et qu’il avait bien vu la main de Marius auparavant. M. Dubach, tu es un salaud, crie-je !

Passarella transforme (1-0). Pas de panique sur le radeau bleu. Platini égalise en seconde période. C’est certain, on va quand même gagner. On est les plus forts. M. Dubach ne siffle pas un penalty sur Six, au moins aussi évident que l’autre. Le même Six se présente seul devant Fillol, le ballon glisse le long du poteau gauche… L’Argentine nous assassine un quart d’heure avant la fin du match, par Luque, le pirate. Elimination. Déception. Frustration. Et école le lendemain matin. Cours de maths. Equations sans solutions.

Sport et Histoire

Avec ces Jeux, voilà que les titres des medias se remettent à accoler le sport à l’Histoire… « X entre dans l’Histoire », « Y pour l’Histoire »… etc.Un médaillé d’or est-il un héros ? Entre-t-il dans la mémoire collective d’une nation ou de l’humanité ? Que vaut un exploit sportif, si grand soit-il ? Ce qui est sûr, c’est qu’il est quelque part mesurable. Et que Pelé, Michael Jordan, Roger Federer, Usain Bolt ou Simon Amman ont visiblement écrasé la concurrence de leurs congénères.

Il y a cinquante ou cent ans, une action d’éclat sur les stades était anecdotique en comparaison de celles des généraux, des scientifiques ou des chefs d’état. Aujourd’hui,  merci la télévision, la Légion d’honneur fleurit sur les vestons des judokas, des footballeurs ou des handballeurs. O tempora ! O mores ! C’est une autre Histoire en quelque sorte.