Le 11 juin, coup d’envoi de la dix-huitième Coupe du monde de football. D’ici là, je vais essayer de vous en raconter dix épisodes qui m’ont particulièrement marqué…
La main de Marius
1978. Enfin une équipe de France. Vingt ans qu’on attendait ça. En tout cas, moi, en cette année de mes quinze printemps, je n’avais jamais vu de ma courte vie des coqs, comme on les appelait alors, aussi chantants. A vrai dire, jusque-là, je ne m’y intéressais pratiquement pas. Tout bêtement parce que cette équipe de France de foot, elle n’existait pas, réduite au rang de faire-valoir sur l’échiquier international. A cette époque, j’achetais L’Equipe sur le chemin de l’école, uniquement pour lire les papiers sur Saint-Etienne. Les Verts, ça, j’en rêvais la nuit. Rocheteau, Piazza, Curcovic, les frères Revelli, Bathenay…
Et donc, ces Verts, qui accumulent les prouesses, voire les miracles, notamment en Coupe d’Europe, arrivent vite en sélection. A la tête de celle-ci, un petit bonhomme qui ne paie pas de mine, Michel Hidalgo, un ancien ailier du grand Stade de Reims, a succédé à Stefan Kovacs. Et avec les Stéphanois, déboule un nouveau jeune très prometteur, Michel Platini. Il sait tout faire avec un ballon le bougre, dribble comme Pelé, shoote comme Eusebio, frappe de la tête comme Kocsis et tire les coup francs comme… personne avant lui. Les Bleus, ça y est on les appelle comme ça, font une campagne de qualification pour la Coupe du monde en Argentine qui passionne le pays, enfin. En Bulgarie, Thierry Roland pète même un câble en commentant une décision de l’arbitre Mr Foote, le traitant de salaud ! Mais les Français sauvent l’essentiel (2-2). Et arrachent leur billet au match retour, Platini marquant le deuxième but (3-1).
7 juin. Buenos Aires. Deuxième match de poule des Français face à l’hôte argentin de ce Mondial. Une ambiance délirante, à faire peur. Et tous les problèmes extra-sportifs qui passent en cet instant par la tête des joueurs tricolores. Des familles françaises ont menacé Hidalgo et sa troupe pour les contraindre à parler en public du problème des personnes disparues ou enfermées par le pouvoir dictatorial argentin. Les joueurs ont voulu faire valoir leurs intérêts et ont recouvert leurs chaussures de peinture au premier match, perdu contre l’Italie, pour que l’équipementier, Adidas, revoie ses primes (ridicules) à la hausse.
Devant la télévision, je n’ai pas bien conscience de tout ça, je m’en fous d’ailleurs. Je ne me préoccupe pas à l’époque de la politique sanglante du général Videla ou des états d’âme de Jean-Marc Guillou (meneur dans l’affaire des trois bandes). Il n’y a qu’une victoire contre l’Argentine qui m’obsède. La France tient la dragée haute aux favoris de cette Coupe du monde. Plus que ça, elle est belle, magnifique. Les Sud-Américains, qui n’ont pas sélectionné le tout jeune Diego Maradona, sont, c’est un comble, déstabilisés par la virtuosité des Platini, Michel, Rocheteau ou Six. Ils ont recours à leurs vieilles ficelles, dureté sur l’homme et truquages continuels. Il reste une poignée de secondes avant la mi-temps. Kempes s’infiltre sur la gauche dans la surface, à la lutte avec Marius Trésor. L’avant-centre ciel et blanc centre comme il peut. Trésor s’interpose en se jetant de tout son corps sur le ballon, son bras gauche traînant sur le côté. Marius a toujours les bras écartées, c’est sa marque de fabrique, une sorte d’équilibre naturel. Il est l’homme qui rassure la défense française. En forme, le Guadeloupéen est le meilleur à son poste, toutes nations confondues. La balle est déviée par la main de Trésor. L’arbitre suisse M. Dubach interrompt l’action en sifflant. Les joueurs français, comme un seul homme, se dirigent vers lui, contestant une faute volontaire de leur libero. Je n’en reviens pas non plus, il ne peut pas y avoir penalty, c’est impossible. La caméra se focalise sur l’homme en noir, qui va voir son juge de touche, un certain M. Winseman, Canadien de son état. Deux francophones. Ils vont se parler en français, pas de doute, et le second va rétablir la vérité, je n’en doute pas. Tout va s’arranger entre gentlemen soucieux de justice terrestre. M. Dubach repart vers la surface de réparation, il va bien entendu donner une remise en jeu pour la France. Quoi ? Mais non, c’est penalty. M. Dubach dira plus tard qu’il a simplement vérifié auprès de son assistant (comme on dit maintenant) si le ballon n’était pas sorti, et qu’il avait bien vu la main de Marius auparavant. M. Dubach, tu es un salaud, crie-je !
Passarella transforme (1-0). Pas de panique sur le radeau bleu. Platini égalise en seconde période. C’est certain, on va quand même gagner. On est les plus forts. M. Dubach ne siffle pas un penalty sur Six, au moins aussi évident que l’autre. Le même Six se présente seul devant Fillol, le ballon glisse le long du poteau gauche… L’Argentine nous assassine un quart d’heure avant la fin du match, par Luque, le pirate. Elimination. Déception. Frustration. Et école le lendemain matin. Cours de maths. Equations sans solutions.
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