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Pellegrini et Lacourt éclipsent Muffat et Stravius

On les observe, on les guette, on les admire, on en parle, on les jalouse, on les fait, on les défait, on les paie, on les entoure… Silvio Berlusconi, qui n’a pas toujours pratiqué un  langage de vérité, avait un jour donné une définition très juste de ce qu’il pensait être une star, dans le domaine du sport s’entend. Sur Ruud Gullit, son attaquant du Milan AC, il disait : « Quoi qu’il fasse sur un terrain, les spectateurs ne voient que lui. C’est pour cela que je l’ai engagé… »

A Shangai, après quatre jours de compétition aux Mondiaux de natation, les stars se voient. Bien. Trop bien peut-être pour certains de leurs collègues qu’on regarde souvent avec une sorte de commisération. Car en plus d’être des champions ou championnes du chronomètre, les super-nageurs attirent, aimantent invariablement caméras, micros et stylos. Et il ne reste aux autres que quelques miettes de célébrité.

Stravius premier « deuxième » champion du monde français de natation !

Jérémy Stravius, sacré hier premier champion du monde français en grand bassin de l’histoire, a tout fait, vraiment tout, pour gravir la marche la plus fantastique pour un sportif, la marche médiatique. Oui, champion du monde du 100 m dos ! L’exploit aurait du le propulser dans l’instant, comme Laure Manaudou après son titre olympique du 400 m, au firmament des gloires nationales. Mais non. Poseidon et Neptune n’étaient pas d’humeur mardi ! Le duo de divinités a fait toucher le mur d’arrivée dans le même centième à un autre de leurs protégés, Camille Lacourt, dernier dieu en date des éléments liquides, de l’encre de presse notamment.

Le grand, beau et riche Lacourt est donc aussi et, sans doute, « surtout », champion du monde. Lacourt est cité en premier dans tous les titres électroniques ou papier relatant le double exploit : « Lacourt et Stravius ceci, Lacourt et Stravius cela, Lacourt et… » Dans quelque temps, le Picard apprendra peut-être d’ailleurs qu’il avait touché le premier, au millième de seconde près… Mais le chronométrage s’arrête en natation au centième depuis plusieurs années. C’est comme ça, Stravius demeurera probablement comme le « deuxième » premier champion du monde français… Star, c’est un métier…

Muffat en a ras le maillot de Manaudou et Pellegrini

Pour Camille Muffat, déjà double médaillée de bronze à Shangai, la croisière est encore bien moins amusante. La « Calimero » de la natation française fait constamment la tronche. Circonstance atténuante de son humeur maussade, les questions posées par la presse à cette formidable athlète, championne du monde et d’Europe en petit bassin, tournent invariablement autour de ses collègues, plus célèbres, plus glamour, plus fiancées, plus tout… Il y a trois semaines, la moutarde lui est même montée au nez « Arrêtez avec Manaudou, moi c’est moi… ! » Ce coup-ci, c’est une autre diva, Federica Pellegrini, qu’on lui sert à toutes ses sorties de bassin en Chine : « Que pensez-vous de Federica, de son entraîneur Philippe Lucas… ? » D’autant que l’Italienne, qui buvait la tasse depuis des mois, marche au moteur de hors-bord Riva depuis quarante-huit heures. Deux médailles d’or et deux raisons de plus de coller le moral de la Française dans ses tongs… Nelson Montfort, le psychologue, enfonce le clou à l’issue de la finale du 200 m : « Cette fois, vous devez être heureuse de votre 3e place, Camille… ? »  Ben non, Nelson, l’amie Camille n’est pas la vôtre : « Non, je suis déçue, lui lance-t-elle », plus susceptible que jamais.

Avec ses deux breloques planétaires, Muffat fait encore moins la une en Chine que… la fiancée de Michael Phelps, Nicole Johnson, ancienne Miss Californie mais visiblement toute récente amie des arts plastiques… Ah, mademoiselle Muffat, c’est vraiment trop injuste…

Li Na, Bartoli et 400 millions de Chinois

Pour les medias, nulle autre matière n’est plus fondamentale que l’interview, l’ « ITV » comme on la nomme dans les rédactions. Plus que toute autre information, tout rédacteur en chef de télé, presse, radio ou internet, la traque en permanence, et en rappelle constamment l’urgence, la nécessité absolue à ses journalistes ou correspondants. A Roland-Garros, ce culte de l’interview constitue même, depuis l’émergence de l’image dans les années 1980, la sève consubstantielle à la vie des chaînes, des stations, des journaux ou des sites.

C’est bien simple, un match à la Porte d’Auteuil sur France Télévisions dure le plus souvent moins de temps que celui qui lui est consacré avant, pendant et après, en entrevues, débats, parlotes, avec ou sans les intéressés, leurs entraîneurs, parents, sponsors, amis, masseurs ou copains de classe… La presse n’est pas en reste. Tenez, je viens de compter dans L’Equipe le nombre de gens réquisitionnés pour étoffer le papier de la présentation de la demi-finale de Marion Bartoli… Pas moins de six anciens ou actuels joueurs, joueuses, entraîneurs, ont été sollicités pour donner leur avis sur la vedette du jour. De cette litanie tautologique (« Marion progresse, est plus intelligente, pugnace, solide, frappe mieux, retourne bien« …etc), on ressort, certes informé en exhaustivité, mais un peu saoulé, comme à la sortie de la lecture d’un dictionnaire de synonymes. Que Bartoli soit en forme, on s’en doutait un peu… Mais il fallait absolument au quotidien sportif, lui et d’autres, rassurer ses lecteurs, les convaincre encore plus de l’évidence, leur marteler que la numéro 1 française… l’est bel et bien, et avant tout l’expliquer et le justifier.

A Roland-Garros, l’interview doit tenir le pèlerin bien assis dans son canapé…

Juste avant Bartoli-Schiavone, on a assisté en direct à une belle démonstration de technique… de l’interview, de sa mécanique et de ce que tout le monde peut en tirer. La Chinoise Li Na était opposée à la Russe Maria Sharapova. Pas de match sur le plan médiatique entre l’inconnue et la diva. Mais la première l’a emporté et la capricieuse perdante a filé du court sans un mot pour Nelson Montfort. Vite, trouver du croustillant pour meubler et conserver le pèlerin (français) à l’antenne avant le choc franco-italien tant attendu. Et l’on croit dénicher, pour nous en dire un peu plus au sujet de la mystérieuse finaliste, la pépite idéale, l’ambassadeur de Chine en France. Qui, ô surprise, parle impeccablement la langue de Molière. Mais, aïe, le diplomate en est un vrai, un professionnel du message à faire passer quelles que soient les questions : La Chine adore le tennis, quatre cents de millions de mes compatriotes ont regardé le match à la télévision, la Chine ceci, la Chine cela…« . L’ambassadeur est fort, très fort, opportuniste surtout. Le coup des « quatre cents millions de Chinois » (pourquoi pas quatre cent un…?) est un coup de maître et va, c’est certain, se répercuter partout pour le plus grand bien de l’image de l’ancien empire du Milieu. Chiffres parfaitement invérifiables et slogan d’enfer, voilà un coup de pub magistral. Séguéla doit en faire couler sa teinture de rage…

Plus classique, Nelson Montfort se rue ensuite sur Li Na à qui il soutire in english of course les invariables banalités (« mon adversaire a bien joué, je n’ai pas lâché…« ) d’après-match que sa rédaction lui commande depuis quinze ans. Là, les deux interlocuteurs font le métier. Sans accroc, sans surprise. Tout pour plaire au spectateur dans son canapé. Un amiral Nelson parfait pour barrer son micro, et une questionnée tout sourire bien sûr, qui n’oublie jamais de féliciter sa victime ou de remercier le public. Du sur-mesure, de la joie, de la tenue, du sport quoi… et un peu d’audimat !

France Televisions travaille avec filet !

Tiens, j’avais oublié que je payais ma redevance… Mais en ce vendredi, je consulte mon programme pour savoir sur quelle chaîne je vais pouvoir suivre d’un œil un France-Espagne de Coupe Davis pourtant pas franchement sexy sur le papier, mais qui compte quand même. C’est sur France 4. Ah oui, évidemment sur France 2 c’est le Tour de France, pour une étape où il ne se passe rien, mais alors rien, comme depuis trois jours.

En Coupe Davis, il y a deux filets !

Et là, sur France 4, la sous-chaîne du service public qui sert à caser et recaser les placardisés accumulés depuis quarante ans et payés avec nos deniers, je crois avoir la berlue ! Je nettoie mes lunettes. Je me frotte les yeux. Tout semble normal du côté de mon système optique. Ma vue n’est pas altérée. Mais il y a toujours sur mon écran des petits carreaux depuis le début de ce match entre Gaël Monfils et David Ferrer ! J’attends un plan différent, il est cette fois normal. Ca y est, eureka, c’est le filet de protection placé derrière les joueurs et entre eux et le public qui se trouve devant la caméra principale et qui offre à quelques centaines de milliers de téléspectateurs cet effet aussi agréable qu’un fond d’oeil chez l’ophtalmologiste … Mais combien de fois donc ai-je payé cette redevance ?

Nelson Montfort et Gerard Holtz, les micros d’or !

Le match avance et je scrute de temps en temps ce qui se passe, le moins possible étant donné mon martyre visuel. J’écoute donc plus que je ne vois les commentaires. Je supporte même Nelson Monfort, qui tient le micro pour la millième fois de sa carrière dans des tribunes, mais qui ignore la fonction d’un membre de l’équipe espagnole, en l’occurrence Jordi Arrese… Ça doit faire vingt ou trente ans que je règle ma redevance…J’en ai assez. Je zappe sur le Tour, il doit bien se passer quelque chose… Le peloton est archi-regroupé derrière trois pauvres échappés, dont on nous dit que d’après l’électronique ils seront rattrapés 16 km avant l’arrivée. Et Jean-Paul Ollivier égrène les noms de châteaux… Et Laurent Jalabert, le coureur français le plus mutique au sujet du dopage, poursuit ses interventions techniques… Gérard Holtz appelle sur sa moto… C’est trop pour moi… Le Gérard, il a sorti une vanne en direct l’autre jour pendant le passage des coureurs en Belgique, en traversant le village de Putte que Jean-Marie Bigard n’aurait pas osée : « Je n’ai jamais vu autant de fils de Putte »… En faisant mes calculs, je dois en être à plusieurs milliers d’euros de redevance réglés rubis sur l’ongle…ars sur France 4. Le filet est là et bien là…