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Forget, Gasquet, Simon : des râteaux en Espagne !

La Coupe Davis méritait autre chose. D’autres Français l’ont tant aimée que ceux-là n’étaient pas autorisés ce vendredi à la mépriser de la sorte. De l’insulter par instants…

Pour cette première journée de demi-finale, l’équipe de France n’en avait que le nom dans l’arène de Cordoue, fief, bien sûr, de l’adversaire espagnol. Les hommes de Guy Forget se sont fait toréer, piquer à l’échine et mettre à genoux, en terre. Battue. Et finalement battus, archi-battus. Et c’est le plus grave, sans combattre, comme des taurillons apeurés.

Gasquet espoir désespérant, Simon mérite la porte…

Que Rafaël Nadal ait écrasé, exécuté Richard Gasquet, on s’y attendait tant l’écart de niveau et d’envie est criant depuis déjà des années entre les deux joueurs. Mais que l’éternel espoir déçu du tennis français n’ait jamais songé à changer de tactique ou au moins à tenter l’impossible pour, qui sait, s’amuser, constitue une très attristante déception. Ou plutôt, et c’est un drame, une confirmation…

Que Gilles Simon ait été dans la foulée humilié par David Ferrer est sans doute pire encore. Simon n’a rien fait, strictement rien fait, pour éviter le ridicule face à un adversaire certes redoutable mais qu’il n’a pas voulu respecter, comme l’on dit aujourd’hui… Simon a passé son temps à maugréer, discutailler sur sa chaise avec son capitaine, s’adresser presque méchamment à une malheureuse ramasseuse de balle et porteuse d’ombrelle… Affligeant ! Je dirais davantage, infamant.

Un conseil, non, je m’emporte, une remarque, une seule, Monsieur le président Gachassin, faites tout pour que la Coupe Davis en Bleu reste digne. De René Lacoste, de Henri Cochet, de Yannick Noah et… de Guy Forget, version 1991 !

Parker, les Bleus, Mahut et mon ocytocine !

Il paraît qu’on découvre chaque jour des choses plus intéressantes sur le fonctionnement du cerveau. Il existerait d’après une chercheuse canadienne, Patricia Churchland, une enzyme d’empathie nichée dans les câbles de notre caboche. La substance en question, l’ocytocine, serait donc celle qui engendre les bons rapports entre humains et qui, en outre, nous amènerait presque chimiquement à préférer le bien au mal, voire le beau au moche.

En résumé, Rousseau et Kant se seraient cassé le citron pour rien. Il n’aurait pas d’Etat de Nature ou de cerveau torturé. Tout est dans l’ocytocine ! Et, en résumé encore plus raccourci, si je m’esbaudis sur les prestations de Tony Parker depuis le début de cet Euro de basket, c’est simplement parce que mon cerveau fabrique ce précieux liquide en appréciable quantité.

Vive l’ocytocine ! Chère Patricia, ayez l’amabilité de m’en fournir quelques fioles. Car ce vendredi soir, j’ai vu « TP » et je m’en suis félicité à chaque instant de tous les quart-temps de ce France-Allemagne, mais je me suis alangui, assoupi, endormi d’ennui devant le Albanie-France des éliminatoires de l’Euro de football. C’est embêtant cette alternance de superbe et de minable. Après l’éblouissement de Siaulai (c’est en Lettonie) j’ai essayé et même lutté contre moi-même pour aller au bout de cette innommable purge de Tirana. Mais je n’ai pas pu. J’ai filé à New-York pour tenter de faire passer ma nausée.

Et je suis tombé sur Gilles Simon qui bataillait contre un Espagnol, Garcia-Lopez, un bûcheron espagnol du tennis, sorte de formidable médicament désexcitant, d’anéantisseur absolu de la joie humaine. Le degré zéro de l’ocytocine, quoi. Ce jeune homme est officiellement le tennisman le moins glamour de l’histoire du jeu, le pire crocodile jamais vu sur un court, faisant passer le légendaire Harold Solomon pour un génie de l’attaque…

En fin de soirée, Simon a la bonne inspiration de conclure à son avantage cette rencontre à fort danger psychotique. Eurosport passe donc à Nadal-Mahut. Ah, Mahut, notre Don Quichotte, notre Cyrano de la balle jaune… Coefficient de sympathie illimité dans mon système neuronal. Il perd souvent, le petit Nicolas, mais je n’y peux rien, je ne résiste pas à son panache. Il accélère à tous les coups mon enzyme magique. Non, décidément, cette ocytocine, il m’en faut d’urgence.

Federer, l’amortie à la vie à la mort…

Dans chaque sport existe un geste ou deux que l’on peine à cataloguer tant on les emploie rarement. Ceux qui y ont recours sont d’ailleurs soit applaudis soit conspués, l’efficacité de ces coups spéciaux n’étant pas garantie et pouvant même se terminer par un échec esthétique retentissant.En foot, par exemple, on crie au génie quand un tireur de penalty réussit à piquer son ballon et à tromper un gardien de but humilié par tant d’audace. Mais quand la ruse ne prend pas ou que le tireur manque sa fantaisie, il est sifflé comme un fossoyeur de l’esprit du jeu. La Roche tarpéienne… En rugby, c’est la « chistera » qui peut faire rire ou pleurer, au hand la « roucoulette »…

Ce dimanche, Roger Federer avait affaire en finale de Roland-Garros à son éternel persécuteur sur la terre ocre, Rafael Nadal. Et, depuis tant d’années qu’aucune solution ne s’offre devant le Titan, Roger s’est décidé à en adopter une moins classique, l’amortie, plus encore qu’à son habitude, à dose presque massive.

L’amortie n’est pas à la portée de n’importe qui. Ou plutôt, elle l’est, car le fruit d’une sorte de frappe sans vie qu’un débutant peut se payer à satiété. Oui, mais voilà, un débutant peut en réussir une, par surprise ou même, et surtout, en la manquant, mais ne réitérera pratiquement jamais de point gagnant face à un adversaire qui en aura vite déniché la parade et contré l’utilisation outrancière.

Federer a opéré la plus belle campagne d’amorties du siècle, Nadal a seulement plié…

On avait admiré par le passé des princes de l’amortie, tels McEnroe, Medvedev ou Edberg, tous comme par hasard grands manieurs de balle. Ils en faisaient parfois carrément une recette pour désarçonner leur opposant pendant plusieurs jeux. Sans doute pour la première fois lors d’une finale d’un Grand Chelem, Federer l’a fait sienne un match durant. Au moins cinq ou six fois par set, un record à ce niveau.

Le gadget a eu alors force d’une arme. Une arme offensive dans les mains d’un joueur avec une telle confiance. Et pourtant, cette arme lui a coûté la première manche alors qu’il menait 5-2, service à suivre, balle de set… Une amortie de revers s’est échouée à un demi-centimètre trop loin d’une ligne. Nadal a transformé ce petit différentiel en immense vengeance et remporté la manche et la suivante… Federer a-t-il à cet instant été trop joueur, trop présomptueux, trop sûr de son génie ? Nul ne pourrait le démontrer.

Car, pour quelques tentatives ratées, dont celle fatale à 5-2, le Suisse en a ajusté victorieusement, en revers surtout, une quinzaine pendant trois heures et demie. On n’avait certainement jamais autant vu Nadal si impuissant devant un coup, au point que l’Espagnol s’est autorisé, une grande première, à ne pas aller en chercher une grande majorité, plaisir qu’il s’accorde toujours tant sa vélocité stupéfiante lui permet très fréquemment de les atteindre avant le deuxième rebond. Par cette tactique, Federer a probablement provoqué d’insensibles changements dans les réflexes adverses. Quand on sait être en permanence victime d’un coup de patte, on se méfie, on s’use à l’attendre et on commet soi-même l’erreur… Nadal a cédé le troisième set…

Mais l’amortie, c’est son fardeau, est le coup le plus difficile, le plus rempli de dosage subtil, de calcul de trajectoires tenant compte de plusieurs paramètres différents. Tout compte en fait dès la prise de décision. Changer brusquement de plan de frappe, mettre le bon effet, juger de la position de l’adversaire, se faire le complice du vent éventuel, se repositionner pour anticiper la réaction ennemie… Une science, à la fois inexacte et instinctive, dont aucun professeur de tennis ne vous communiquera le mode d’emploi. Il faut en outre, y compris au « plus grand joueur de tous les temps », une lucidité et une fraîcheur physique sans faille pour parvenir à enchaîner une campagne d’amorties globalement positive. Ce n’était plus le cas dans le quatrième acte de cette finale. Federer en était conscient et en a tenté nettement moins, se trouvant d’ailleurs beaucoup moins proche du filet, condition évidente de la bonne marche de cette stratégie.

Pour battre Nadal à Paris, Federer devra encore amortir le choc…

Tout commence et tout s’achève avec Nadal et Federer

Quand on lira aux enfants et petits enfants des prochaines générations le grand livre de l’histoire du tennis du vint-et-unième siècle, on commencera par leur susurrer « Il était une fois… Roger Federer et Rafaël Nadal ».

« Tu sais, mon petit, poursuivront le papa ou la maman, je vais te conter une histoire extraordinaire, celle des mille et unes balles, lancées aux quatre coins de la terre par deux magiciens fantastiques et dont on cherche toujours à percer les secrets… Le premier, né dans les montagnes suisses, avait inventé, au début des années 2000, une nouvelle version du jeu dont je t’ai montré ce matin les rudiments… Il paradait en permanence sur son tapis volant. L’autre, venu d’Espagne, était parvenu, à l’aide de son bras surnaturel, à s’élever à sa hauteur, et à pouvoir lutter pratiquement d’égal à égal. Sur leur nuage, là-haut très près du ciel, quelques autres humains les observaient au télescope et essayaient de les atteindre… »

Rafaël et Roger, l’histoire sans fin…

L’histoire est enfantine, mais la réalité peut se confondre avec l’imagination. Et à l’aube de ce Roland-Garros 2011, beaucoup pensaient que la légende des deux hommes avait pris un coup de vieux. Le roi Nadal se lassait dans son Versailles de brique et l’empereur Federer ne parvenait plus à redresser sa couronne sur son front. Un manant effronté, Novak Djokovic, visait carrément à les renverser et à s’emparer du double sceptre… Jamais, depuis 2004, on ne s’était montré à ce point si menaçant, arrogant. L’impétueux Serbe s’était préparé depuis le début de l’année une route si large et majestueuse qu’il en avait franchi les obstacles sans la moindre sortie de trajectoire. Quarante et un succès, trois contre Nadal, deux contre Federer… L’arrivée, à Paris, s’annonçait triomphale pour le nouveau César qui désirait tant réécrire la Guerre des Gaules…

Mais la légende, puisqu’elle est la légende, ne s’efface pas d’un trait. Ses personnages détiennent des pouvoirs surnaturels et entretiennent à satiété le merveilleux. Nadal est formé de cellules inconnues de la science, Federer fait jaillir de sa main des énergies nouvelles… Avec eux, rien ne peut donc jamais se clore, et ils se retrouvent éternellement tous les deux en duel. Seul Rafaël peut battre Roger, et vice et versa. Ce vendredi, malgré les signes noirs qu’on avait semé sur leur chemin, la force et le prodige leur sont évidemment restés fidèles. Nadal a balayé d’un revers de main gauche un Ecossais, Andy Murray, aussi fier que blessé, mais dont l’échine a cédé sous les coups infernaux. Federer a de son côté face à Djokovic ressorti de son sac sa lampe d’Aladin. Le génie était dedans.

Dimanche, sur la terre rouge, les deux Chevaliers repartiront à la quête de la Coupe céleste…

Stupéfiant Djokovic

On pensait ne jamais voir ça comme on pensait à l’éternelle pérennité du mur de Berlin. Enfin, on croyait, au pire, qu’un Rafaël Nadal en bonne santé ne céderait sur terre battue qu’un beau jour de sa retraite pour un tournoi des légendes, une fois son cinquantième anniversaire passé…

Mais l’événement est survenu plus vite que prévu. Plus vite, façon de parler bien sûr. Rafaël Nadal n’avait pas mangé une feuille de match sur un court en terre rouge depuis… sept ans. Nadal était bien l’ogre de l’ocre. Plus vorace encore que Borg, l’extraterrestre des années 70, ou Bruguera son compatriote, ou Muster l’Autrichien.

Il y avait bien eu quelques tentatives de putsch dans ce monde plutôt policé de la balle ronde pour arracher le sceptre au Majorquin. Mais les pauvres rebelles s’étaient cassé les boyaux les uns après les autres. Même sa majesté Roger Federer, qui était allé jusqu’à une certaine humiliation en voulant répondre coup pour coup au Titan à Roland-Garros, en avait pleuré de rage. Quant aux autres, ils y étaient parvenus une ou deux fois, mais Nadal était entré sur le court à chaque fois pratiquement sur une chaise roulante !

Ce coup-ci, ce dimanche à Madrid, chez lui en Espagne dans une arène de Madrid tout à sa cause, en forme olympique, Nadal a trouvé son maître. Pas vraiment celui qu’on aurait attendu il y a deux ou trois ans, où les grands visionnaires du tennis osaient sur un coup de folie parier à l’époque sur Nalbandian, Davydenko, voire Tsonga ou Monfils pour les plus mentalement atteints !

La métamorphose du fou Djokovic !

Le pourfendeur du mythe s’appelle Novak Djokovic, 23 ans et nouveau roi de la terre. Un Serbe un peu dingue, souvent horripilant,  mais qui a tout doucement, au fil des années, apprivoisé l’oiseau noir qui se baladait dans son cerveau. La bestiole ne vient plus trop le taquiner. Plus de raquettes détruites, d’abandons sans raison apparente, de blessures inexplicables. Bref, le garçon, dans sa vie, dans sa caboche, a chassé ses démons.Comment, on ne sait pas trop pourquoi. « Djoko » fait toujours du cinéma sur un court, grimace, se flagelle les membres avec son engin de travail ou geint, mais on ne le voit plus se noyer dans l’auto-destruction. Et son corps obéit sans plainte à la tête. Son service ne joue plus les sales traîtres, son revers est devenu un deuxième coup droit qui martyrise les plus résistants à la souffrance.

S’est-il persuadé que Nadal ou Federer les deux légendes vivantes, qu’il bat désormais plus souvent qu’à leur tour, n’ont que deux bras et deux jambes ? S’est-il inspiré des exploits au Moyen-Age du grand et fort prince Stefan de Serbie ou s’est-il abreuvé des ancestrales potions magiques des Haidouks, ces hordes de résistants à l’Empire Turc ?

La réponse est en lui. Djokovic n’est en tout cas plus le même. D’ailleurs, il n’imite plus ses collègues sur le court. C’est maintenant lui qu’on va devoir imiter.