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Tu seras un homme, Monfils…

Comment perdre un match ? Le plus sûr est de ne pas le gagner. Ou plus exactement de ne pas vouloir le gagner.

Sans chercher à enfoncer Gaël Monfils, il n’est nul besoin d’être l’observateur le plus averti pour affirmer que Fabio Fognini, son vainqueur au deuxième tour à l’issue du match le plus fou de ce début de Roland-Garros, a plus désiré la victoire que son adversaire.Vous me direz qu’il fallait bien un vainqueur à cette invraisemblable et interminable rencontre en cinq sets, étalée sur deux jours et d’une durée de quatre heures et demie. Et que le perdant, comme le dit si benoitement la formule consacrée, pourra nourrir d’éternels regrets. Par là, on veut souvent dire que ce genre d’affrontement se joue finalement à pile ou face.Je vais être impitoyable et me répéter mais dans le cas présent, je m’inscris en faux. Le mauvais sort n’y est pour rien. Et Monfils ne devra regretter qu’une seule chose : ne pas avoir été chercher le succès. C’était si clair, si j’ose dire après l’interruption de la veille en raison de la nuit, ce jeudi après-midi sur le court central que les trois consultants de France 2, Amélie Mauresmo, Arnaud Boetsch et Tatiana Golovin, l’ont dit sans ambages à l’antenne.Sans parler du fait que le Français avait mené deux manches à rien et un break d’avance – tout les joueurs y compris les plus formidables ont connu ce type de panne de carburant – il est patent que l’Italien a montré un supplément d’âme dès la reprise à 5 jeux partout dans le cinquième set. C’est bien le très doué autant qu’inconnu Transalpin qui a tenté le plus de choses, qui est monté au créneau, qui a agressé l’ancien demi-finaliste des lieux.

Le plus étonnant provient a contrario de l’attitude attentiste de Monfils, dont l’aptitude au combat  est pourtant l’une des marques de fabrique. Il n’avait jamais cédé jusque-là dans une dernière manche porte d’Auteuil. Était-il touché physiquement, se ressentait-il de ses crampes qui l’avaient accablé dans le dernier jeu du jour précédent à la lumière des bougies du stade ? Aucun signe visible ne l’a fait croire sur le terrain. Je me dirigerai vers une ou deux autres explications. Le garçon est encore jeune (vingt-trois ans). Ses passions, contrairement à certains de ses collègues dont la vie n’est faite que de balle jaune, se dispersent certainement vers d’autres centres d’intérêt. Il n’est pas Nadal ni Borg. Même sur une route bien balisée, une scorie peut détraquer sa machine. « Je me pose des questions dans ma tête », a-t-il lâché à l’issue de sa défaite.

Pas mal d’entraîneurs se sont pourtant déjà succédé au chevet de celui que je qualifierai de « sportif en permanente fragilité ». Le résultat est clairement mitigé. Car ceux qui officient actuellement dans son clan ont du lui prodiguer nombre de généreux et bons conseils de jeudi 22h à vendredi 18h. Clairement, ils n’ont pas été suivis d’effet par la tête » de leur poulain.

Mais rien n’est jamais perdu tout à fait. « En ce moment, je n’arrive pas à jouer au meilleur niveau. Mais j’y arriverai. » Gaël, ton chemin est tracé…

Si tu peux rencontrer triomphe après défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront ;
Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la VictoireSeront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.
(Rudyard Kipling)