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Ryder Cup : L’Europe, l’Europe, l’Europe !

C’est toujours pareil, on croit avoir tout vu, du plus beau au plus invraisemblable, ou tout connu, du plus sublime au plus inouï. A partir de ce dimanche, on n’affirmera plus, je vous le parie à l’infini contre un, ce genre de niaiserie. C’est fini. It’s over. Parce que ce coup-ci, c’est le bon, le définitif, la référence absolue. On ne verra jamais plus dans les mille ans, ou cent mille si vous voulez, une compétition remportée dans des conditions pareilles, aussi hallucinantes, aussi fabuleuses…

L’équipe d’Europe a conservé la Ryder Cup de golf en battant les Etats-Unis qui menaient pourtant dix points à quatre le samedi, encore dix à six le dimanche après-midi et dont le public hurlait toujours des très courtois « USA, USA » dès qu’un Européen pétait un léger coup de travers. A partir de cet instant, les joueurs de José-Maria Olazabal, leur capitaine évidemment inspiré par l’esprit de son compatriote disparu mais toujours présent dans le ciel de Chicago, Severiano Ballesteros, ont vraiment enquillé une série de prouesses et d’exploits dignes d’une légende antique.

Les Poulter, Westwood, McIlroy, Garcia, Rose et même le Belge Colsaert, bien que l’un des quatre perdants du Vieux Continent de cette journée historique, ont alors tous joué en même temps ou quasiment le golf de leur vie. En trois ou quatre heures, le public carrément odieux du Medinah Country Club a peu à peu vu ses stars invincibles, Mickelson, Furyk, et même Woods, incliner leur tête puis douter de ses swings ou de ses approches. Ils restaient grands les Américains, mais pas assez pour contrer une telle furie, un tel talent, un tel génie collectif…

Et cette foule a fini par rengorger minute après minute ses « USA, USA… » 10-7, 10-8, 10-9, 10-10… Des quarts d’heure de folie pure avec des duels à l’écran se succédant de partout, plus spectaculaires les uns que les autres. Et tournant la plupart du temps, comme par magie, à l’avantage des petits Européens.

Et cette fois, les Américains, à la lutte, à la bagarre, à la guerre., qui mènent 12-11, qui refusent même, comme Jason Dufner, de « donner » un putt de 20 cm. Et Lee Westwood puis Sergio Garcia, qui inscrivent deux points victorieux en soixante secondes à peine. Le souffle de la défaite d’un côté et celui de l’espoir insensé de l’autre. Et 12-12… Et l’inconnu Francisco Molinari, l’Italien, le minuscule, qui tient tête dans la dernière partie au majuscule, au Jupiter du jeu, Tiger Woods !

Et puis, à 13 points partout, tout doit se décider dans les deux dernières parties, qui sont toujours, bien sûr, à parité, All Square comme on dit chez l’Oncle Sam. C’est le 18e trou entre Martin Kaymer l’Allemand, et Stryker l’Américain. Il est one up  (un coup d’avance), Kaymer, et s’il conserve son avance, c’est gagné parce que peu même une victoire de Woods dans la partie qui suit, la dernière des dernières, sera inutile. Mais le petit Molinari sert encore à quelque chose dans sa partie, il maintient la pression sur le géant des greens et sur toute l’Amérique… Et il le fait bien, très bien, magnifiquement bien.

Steve Stryker la sent, cette pression et ne fait pas dans le grandiose sur ce 18e trou. C’est donc Kaymer qui a l’occasion, la seule, l’unique, de rentrer le putt ultime, vainqueur pour l’Europe. Deux mètres cinquante, une distance, comment dirais-je, qu’il rentre 99 fois sur cent à l’entraînement. Mais, même s’il a vaillamment ferraillé ce dimanche après-midi, il a joué le vendredi comme une bille en foursome. Et la trouille et le mauvais jeu, ça vous rattrape en golf comme la gale, comme un éternuement… Il le sait, le Martin. Comme tous les golfeurs. Ce sont des trucs qu’ils savent tous. Et le mieux, comme dans tous ces cas où ça se joue dans la tête, il vaut mieux éviter d’y avoir recours. Il ne réfléchit pas trop, il n’attend pas la respiration ou le toussotement d’un spectateur qui le tuerait. Il tape, vite. Si ça ne rentre pas, c’est perdu, pour lui, pour l’Europe, pour l’histoire. Mais, ja, ça rentre.

McIlroy, fils de… McEnroe

Dans le tourbillon des événements qui se succèdent et finissent par se confondre, le temps joue  parfois les divas. Il prend la pose ou il accélère encore, comme ça, pour faire le beau. Les historiens en font des moments charnières. En golf, depuis deux ou trois ans, on commençait à bailler aux corneilles. L’homme, Tiger Woods, qui avait imprimé sa marque à ce sport pendant une décennie, en était assez bizarrement sorti et tout le monde s’ennuyait un peu en rêvant à des swings meilleurs.

Jeudi dernier, dès les premières balles frappées sur le parcours du Congressional Country Club, les minutes se sont soudain écoulées avec plus de célérité. Un gamin de 22 ans alignait à cet US Open les coups les plus fous, enquillant les birdies comme jamais peut-être, y compris le faramineux Tiger Woods, ne l’avait fait auparavant. Le temps avait cessé de suspendre son vol et clairement décidé de reprendre sa course folle en se glissant dans les mains de Rory McIlroy, éblouissant et écrasant vainqueur final du 3e Grand Chelem de la saison.

McIlroy réinvente le golf

Un phénomène ce jeune Irlandais. Rouquin bien sûr, la bouille pas complètement dégrossie, mais un mental de briscard et des coups, mes amis, des coups de dingue, sans référence connue. Des drives insensés, des approches au laser et des putts téléguidés. De la magie. Comme si le golf n’était pas né il y a environ cent cinquante ans mais un jour de juin 2011 au bout des doigts d’un garçon né à… Hollywood, Irlande du Nord.

Et cette apparition du nouveau génie de la petite balle blanche me rappelle étrangement celle d’un autre môme qui s’était aussi présenté, il y a trente-cinq ans, sur une herbe rase, mais raquette en main. Un certain John McEnroe, américain, lui, mais bien d’origine irlandaise, poil rouge, physique d’adolescent replet et caractère aussi infernal que ses services, avait cassé les codes du « lawn- tennis » sur le plus mythique court du monde, le central de Wimbledon, médusé de tant d’audace et d’inspiration. Big Mac gratifiait la gentry londonienne de mises en jeu effectuées dos au filet, de volées aimantées par les lignes mais aussi de dialogues épicés avec les arbitres tout à fait en contradiction avec les mœurs quasi-religieuses de la cathédrale… McEnroe avait osé défier le roi du lieu, Björn 1er, en chatouillant d’abord la barbichette du fabuleux chevalier suédois, fourbu par tant d’années de combats, et qu’il avait fini par faire tomber de son trône.

L’histoire de « Kid Rory » et « King Tiger » n’a pas encore vraiment commencé. Les greens de la planète prient pour qu’elle démarre…