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XV de France : Où sont les chefs ?

Le constat est accablant. La sortie de route a été spectaculaire. Le camion des Tonga a heurté celui des Bleus, qui ressemblait plus à une estafette, et qui a valdingué dans le fossé. Enfoncements de carrosserie, plaies, bosses et forts maux de tête dans le véhicule accidenté. Mais, ô miracle, pas de perte irréparable. Après réparations de fortune puis contrôle technique approfondi, la route de l’équipe de France peut se poursuivre, tant bien que mal, vers le prochain virage à risques, un certain France-Angleterre.

En attendant, il sera toujours temps de consulter le rapport d’expertise de l’assureur. Les responsabilités des fautifs apparaissent toujours plus tard, beaucoup plus tard, le temps d’étudier les traces laissées par le crash à tête reposée, pour observer le comportement du chauffeur et des passagers, l’état de la chaussée ou évaluer la responsabilité du patron de l’entreprise de transport…

Nous verrons donc plus tard… Mais même sans documents précis, rien ne nous empêche d’établir les premières conclusions. Le Quinze de France avance dans le doute. Et ça ne date pas de samedi dernier. Marc Lièvremont n’est plus qu’un petit chef scout sans boussole dans une forêt sombre. Il a pris le dangereux parti de s’orienter, lui et sa troupe, au doigt mouillé. Ses garçons ne lui obéissent plus vraiment mais n’ont pas non plus trouvé la voie de la sortie. Pas de révolution. Au plus, une révolte. Oh, pas celle du Bounty, non, mais une rébellion de façade.

On a cru déceler un semblant de colère chez le capitaine Thierry Dusautoir. Vite évanoui. Message sans conviction, mots récités. Les agents rôdent dans l’entourage des Bleus, y compris dans les couloirs des hôtels néo-zélandais. Sont-ils les âmes damnées des joueurs, leurs Raspoutine, comme Lièvremont en a évoqué la possibilité au lendemain de Trafalgar ? Ces joueurs protégeraient-ils leur « image » à ce point ? Une rébellion leur aurait-elle coûté le même genre de sanction qu’à certains des occupants du bus de Knysna ?…

L’équipe de France de rugby, un bateau ivre !

On ne leur en demandait pas tant, mais mieux, y compris, et c’est une première, par Lièvremont lui-même, les suppliant presque de se prendre en main sans lui… Toujours non. L’insurrection attendue n’a pas eu franchement lieu. C’est décevant. Où sont les personnalités d’antan, Rives, Fouroux, Berbizier, Dominici, gueulards et têtes de pioche mais sacrés remonteurs de pendule et de baromètre par temps d’orage.

Plus décevante encore, l’attitude des autorités. La Fédération Française de rugby a pris des allures de fantôme. On l’aperçoit dans les couloirs et elle disparaît dans les douves… Le président Pierre Camou-du-genou est dans la maison, dans une pièce, et hop, il n’y est plus, s’évaporant dans des effluves de houblon ou d’anis. Où est donc Albert Ferrasse, son menton en galoche, sa voix de stentor, son imperméable ?…

Lièvremont, la fin d’un monde !

Pathétique, insensé, affolant. Les mots manquent ou ne signifient peut-être plus rien pour décrire l’impression laissée par Marc Lièvremont ce dimanche au sujet de son équipe et surtout de ses joueurs à l’issue du désormais historique et affligeantissime France-Tonga.

Que retenir de cette intervention d’un sélectionneur ravagé, dépassé, halluciné par ce qui lui tombe littéralement sur la tête depuis vingt-quatre heures ? Découvre-t-il seulement que son équipe s’est désintégrée en quatre-vingt minutes face au Tonga ou se rend-il compte qu’il a lui-même failli depuis bien plus longtemps ? Les phrases et les idées au lendemain du désastre se sont mélangées à un tel point que l’on en perd nous-mêmes toute rationalité.

Lièvremont : « Quand je suis remonté, il n’y avait plus personne… »

Sur ses joueurs, l’entraîneur des Bleus livre un constat qui dépasse le désabusement: « Ce matin, ils n’étaient pas tous rentrés à l’hôtel. J’aurais voulu qu’on se retrouve autour d’un verre, qu’on se parle, qu’on échange, qu’on boive, qu’on se dise que l’aventure est belle. Même là, j’ai été déçu. Le groupe s’est éparpillé. Force est de constater qu’on vous donne raison (aux journalistes présents devant lui)… Dès la fin de la conférence de presse, j’ai sorti trois packs de bière, dit qu’il fallait se lâcher parce qu’on était qualifié malgré tout (video stupéfiante de la « causerie » d’après-match !) En fait, j’ai été pris de court, j’avais des obligations médiatiques et quand je suis remonté, il n’y avait plus personne… »

Mais Lièvremont ne s’arrête pas à une analyse de comportement. Il va plus loin, plus loin sans doute qu’aucun de ses prédécesseurs: « Je ne me fais pas trop d’illusions. Pour eux, leur image est très importante. Ils ont des agents pour ça et j’ai vu certains d’entre eux avec eux après le match. Ils ont une carrière à gérer, une image auprès de la presse à satisfaire… ». Plus explicite qu’un long discours!

Bleus du rugby comme ceux du foot, c’est Knysna qui recommence…

C’est donc ce qui s’appelle la fin d’une histoire. Une histoire que certains, auxquels j’appartiens, n’ont d’ailleurs jamais cru qu’elle avait réellement commencé. Facile à dire maintenant, objecterez-vous ? Mais, je l’écris depuis des mois et des mois, Marc Lièvremont n’était pas l’homme qu’il fallait à l’équipe de France.  Trop idéaliste, romantique peut-être. Et par là même influençable, modelable, alors qu’on le croyait de marbre. Tenez, comble de tout, symptôme freudien, Marc est allé jusqu’à se comparer à celui dont on n’aurait pourtant jamais cru qu’il puisse s’identifier, Raymond Domenech : « Sachez que j’ai le plus grand respect pour lui. Il a certainement sa part de responsabilité et j’ai la mienne, mais il s’est battu… Le rugby français et certains de mes joueurs se gaussaient des footballeurs l’an dernier, mais quelque part, hier soir, on n’est pas descendus du bus… »

Pour France-Angleterre : « Qu’ils fassent sans moi… »

Voilà, un second Knysna ! Des joueurs manipulés, un coach désincarné, sans parler d’une Fédération, en la personne de son président Pierre Camou en totale déliquescence. Et France-Angleterre samedi prochain… Ce match, et c’est la perspective surréaliste mais peut-être quelque part paradoxalement la plus lucide que « Marc le zombie » veut en livrer : « Qu’ils fassent sans moi, je demande que ça d’une certaine manière. Je serai là pour les accompagner et les encourager mais c’est leur aventure. » Lièvremont, je le répète et j’y insiste, n’est pas un nul ou comme il l’a dit par auto-dérision « …qu’un entraîneur de Pro D2 absolument pas compétent pour entraîner une équipe du standing de la France…« , mais un homme à qui a échappé la substantifique moelle du coach moderne, c’est à dire à la fois un technicien bien sûr, mais aussi et surtout, que cela plaise ou non, un gestionnaire d’hommes et des entourages, un communiquant…

France-All Blacks : Être ou ne pas être…

C’est la question la plus célèbre de l’histoire, qui revient sans cesse depuis ce diable de Shakespeare dans l’esprit de l’homme. Et qui resurgit ces derniers jours dans celui, plus torturé que jamais, de notre XV de France. Jouer à fond samedi contre les All Blacks ou pas ? Les « respecter » ou pas ? Gagner ou perdre ? Voilà la – les – question(s).

Y aurait-il « quelque chose de pourri », comme le clamait Hamlet, au royaume des Bleus pour qu’une telle question se pose, ou plus précisément pour qu’on la pose pour eux ? Pourri, peut-être pas, mais faussé ou vicié, c’est plus probable. Parce que depuis la défaite de l’Australie contre l’Irlande dans le groupe C, la France a un peu changé d’humeur, passée de souffreteuse à primesautière, se sentant d’un coup comme l’effigie de sa Marianne, sourire Colgate aux lèvres et poumons gorgés d’espoir.

Les All-Blacks voudraient fesser le XV de France…

A contrario, les Néo-Zélandais ont la désagréable impression de s’être fait méchamment rouler dans la farine. Pas par l’échec des Wallabies – une bonne jouissance gratuite – mais par ses conséquences. Pour les Blacks, battre, écraser si possible, les Bleus, ne serait plus leur infliger une correction méritée, un rêve depuis 1999 et 2007. Au contraire, les Français n’attendraient désormais plus que ça, une bonne fessée en public. Car, magie et vertu du sadomasochisme, la punition les enverrait au paradis d’une phase finale semée de roses, un peu piquantes certes, mais tout à fait supportables, Angleterre en quarts, Irlande ou Galles en demies…

L’accueil charmant qui a présidé il y a quinze jours au débarquement des trente joueurs de Marc Lièvremont est en conséquence oublié. La presse kiwi nous assassine. Avec, il faut l’avouer une insigne mauvaise foi. Nous alignerions une équipe bis pour ce qui aurait du être une fête du jeu, autrement dit une bonne rouste offerte par des Blacks aux Blues. Ce n’est pas charitable. D’autant que l’équipe de France qui avait triomphé à Dunedin il y a deux ans était sensiblement la même.

Alors que répondre, que faire ? Les joueurs français ont essayé au lendemain de cette volée de bois vert de rester zen. A moitié réussi. Pascal Papé a sauté les pieds dans le plat, dénigrant l’un des symboles les plus chers au peuple du Long Nuage Blanc, son haka. Une finesse à la Obélix…

Auckland, Alésia ?

Parra : Marc fait le pari de Pascal…

C’est LE match. Attendu depuis près de trois ans, depuis le tirage au sort de cette Coupe du monde. Par la Nouvelle-Zélande, par la France et par sans doute tout le monde. Plus qu’un match, d’ailleurs. Rien que son appellation « France-All Blacks » fait naître la chair de poule.

Le quinze tricolore dont les poils se dresseront donc sur ses trente bras samedi à la seconde du coup d’envoi à l’Eden Park d’Auckland (à 20h30 heure locale et 10h30 heure française) sera ainsi confronté au plus terrible défi qui soit. Deux des bras en question seront ceux de Morgan Parra, la surprise du chef Marc Lièvremont. Car le Parra en question évoluera au poste d’ouvreur. Et Parra n’est pas un ouvreur…

Oui, face aux géants noirs, aux Hercules d’ébène, aux monstres de la nuit, se tiendra un petit bonhomme bleu (ou blanc) qui n’a jamais porté le numéro 10 de sa vie, à très haut niveau s’entend. C’est le choix de Marc, l’homme aux idées lumineuses. Je n’y comprends rien ou pas grand chose. Et cela n’a pas grande importance, étant donné mon influence sur la composition de l’équipe de France.

Face aux monumentaux Blacks, Morgan Parra… normal !

Cela ressemble quand même au pari de la décennie, presque au pari du siècle, et tant qu’on y est, à celui de Pascal. Oui, celui des Pensées… Vous savez, ce pari sur l’existence divine. Le génial Blaise Pascal tentait de nous convaincre que nous, misérables païens de l’espèce humaine, n’avions rien à perdre à croire en un dieu créateur et universel. Pascal, inventeur de la science statistique, et donc quelque part du loto et des sites de paris en ligne, aurait pu, c’est certain, se trouver cette semaine à Auckland auprès de Lièvremont…

Oui, pourquoi pas ? Pourquoi pas Parra et pas Trinh-Duc ou Traille ou Doussain, trois ouvreurs de métier ou ayant déjà rempli cette tâche ô combien essentielle ?  Le sélectionneur l’a expliqué ce lundi soir (matin pour lui): Parra le numéro 9 est meilleur en numéro 10 que le numéro 10 numéro 1 ! C’est clair, c’est mathématique, c’est statistique, c’est Pascalien… Allez comprendre !

Le XV de France et Lièvremont, morts à Rome !

Oh, je sais, il ne faut jamais désespérer. Mais ce qui est arrivé ce samedi au stade Flamini de Rome au Quinze de France constitue sans doute la pire catastrophe qu’il ait connue au vingt-et-unième siècle. L’Italie a non seulement battu et ratatiné la France, mais elle l’a humilié. A six mois du Mondial, le bilan de Marc Lièvremont n’est même plus proche du néant, il est LE néant.

Oh, je sais, il ne faut jamais enterrer un cadavre vivant. Mais le constat est terrible. Les Bleus n’ont fait aucun progrès sous l’ère Lièvremont. L’encéphalogramme est plat. Rien n’est à ressortir de positif de cette saison. Et comment continuer de faire confiance à un entraîneur qui s’est obstiné, entêté jusqu’à la schizophrénie, à faire figurer des ombres comme Chabal ou Huget. Les raisons d’y croire pouvaient pourtant exister, comme cette victoire en Nouvelle-Zélande il y a un an et demi ou le Grand Chelem de l’an passé. Mais tout s’est au contraire délité progressivement alors que l’approche de cette Coupe du monde aurait du provoquer le contraire.

Oh, je sais, impossible n’est pas français, surtout en rugby où des Bleus ont quelquefois ressuscité d’entre les morts. Mais ce coup-ci, l’âme s’est envolée. Marc Lièvremont, je le sens, je le sais, n’est pas l’homme qu’il faut pour renverser des montagnes. Et la montagne est désormais haute, trop haute, infranchissable… Le sélectionneur a indiqué un quart d’heure après le match au micro de France 2 qu’il n’avait pas parlé à ses joueurs dans le vestiaire… C’est plus qu’une erreur, c’est une faute. Un général ne peut pas abandonner ses soldats après la déroute…

L’équipe de France ne peut prétendre qu’à un rôle de faire-valoir à la Coupe du monde

Les Bleus ne sont plus en état d’urgence. Ils sont en état de mort cérébrale. Soyons francs, l’équipe de France ne peut prétendre qu’à un rôle de faire-valoir à la Coupe du monde. Il n’y aurait qu’une seule chose à faire pour que le coeur reparte, appliquer l’électrochoc sur sa poitrine. Autrement dit, changer sa tête et amener aux responsabilités un homme, ou un groupe d’hommes qui remettrait, en six mois, le grand corps malade sur pieds.

Je ne me fais pas d’illusions, le président de la Fédération, Pierre Camou, le plus fantomatique de toute l’histoire du rugby tricolore, ne fera strictement rien. Il en est simplement incapable personnellement et collectivement. Pour des raisons inhérentes à la génétique de cette Fédération, on ne coupe pas les têtes dans ce genre de situation. On préfère mourir sans bruit et sans faire couler une seule goutte de sang…

Nous irons donc au Mondial avec ce que nous avons aujourd’hui… C’est à dire rien ou pas grand chose qui fonctionne…