Ah ! le pouvoir de l’image, la force du symbole, patati patata… Se serrer la main est un acte immémorial de la dialectique humaine. On se touche depuis la nuit des temps, les joues, le nez, les mains, la bouche, pour se reconnaître, ne pas s’ignorer, geste minimum d’une cohabitation entre bipèdes pour que la vie soit vivable… Luis Suarez est-il associal, misanthrope, raciste ou simplement stupide au point de se mettre en marge de la communauté des hommes ? Il ne serait le premier ni le dernier, et son attitude en refusant de serrer la main de Patrice Evra ce samedi juste avant le Manchester United-Liverpool ne regarde que lui.
L’Uruguayen venait d’être suspendu huit matches pour insultes racistes envers le Français et n’était pas en position agréable au moment de le croiser. C’était bien de sa faute après un comportement honteux, minable, inexcusable. Il aurait fait amende honorable en effectuant ce que le monde du sport attendait de lui, cette fameuse main tendue, et l’affaire aurait été quasiment entendue, conclue dans une sorte de regrets implicites…
Mais l’attaquant des Reds appartient donc désormais à la petite et pauvre catégorie des obstinés, des psychorigides de la faute à qui on ne peut faire entendre raison. On les montre du doigt, on les fustige, de tous les coins de l’univers, mais rien n’y fait. Ils se braquent encore et toujours parce que leur paranoïa est plus forte que tout, y compris de ce qu’ils ressentent peut-être au fond d’eux-mêmes. Suarez, coupable avéré de racisme, ne reconnaît pas sa faute depuis qu’il en a été accusé et puni, prétextant un simple écart de langage tout à fait bénin quand il est proféré dans son pays. Ce fut d’ailleurs là l’unique explication de son délit, et à elle seule parfaitement dérisoire, honteuse, inqualifiable…
Patrice Evra était prêt à pardonner…
Patrice Evra, effaré de ce geste de déni, a tenté de rattraper la main fuyante de son infamant adversaire… Evra était donc prêt au pardon, dans une sorte de signe fort, à caractère religieux. Mais non, l’autre n’en a pas voulu. Sommet d’incompréhension, suprême incommunicabilité !
Ne tendons donc pas la main à Suarez, l’homme qui n’en veut et n’en voudra peut-être jamais. Dans dix, vingt ans, ce sera, sait-on jamais, le cas… Quel temps perdu ! Et si c’était la main d’Evra, ce serait un petit « ça » de gagné.