Avec le départ annoncé de Jean-Michel Larqué après trente ans de commentaires de football sur les deux principales chaînes publiques, il me vient comme une sorte de nostalgie. Je me rends compte que je l’ai toujours écouté depuis toutes ces années, probablement environ un millier de fois, si je fais le calcul à la louche.
Et qu’en tant que passionné des Verts, je l’avais admiré comme joueur à l’époque de la légende, celles des années 1974-1976.Tout compte fait, je l’aime bien Larqué. Pas le personnage, je ne le connais pas, mais celui qui explique le football de haut niveau aux téléspectateurs, oui. Et si je réfléchis un peu plus, j’ai envie de dire qu’il a créé quelque chose de nouveau.
Un seul personnage peut lui être comparé dans l’histoire de la télévision, Pierre Albaladejo en rugby, l’homme et lui aussi ancien grand joueur qui complétait de ses tranquilles analyses le truculent mais simpliste Roger Couderc. Deux hommes du sud-ouest.Vous me direz, Larqué a été souvent insupportable à l’antenne. Il y a même eu des matches où l’on aurait eu envie de lui suturer la bouche. Parce que le Jean-Mimi, quand il avait une idée en tête, il pouvait la décliner dix, vingt ou trente fois en une heure et demie. Et pas dans de la dentelle. Combien de pauvres diables, Bleus, Marseillais, Bordelais, Lyonnais ou Parisiens ont été sa cible des matches voires des saisons entières durant et ont sans doute dû vouloir l’égorger après coup.Mais, honnêtement, que valait-il mieux ?
Jusqu’aux années 1980, on avait disposé de quelques descripteurs d’actions devenus des pontifes par défaut. Georges de Caunes, Pierre Cangioni, Thierry Roland ou Didier Roustan. Avec tout le respect que je leur dois, leur seul mérite avait été de maîtriser leur voix et d’être présents au bon moment. Le côté technique et pédagogique leur était parfaitement étranger. Ne parlons pas du chauvinisme, qui leur tenait lieu d’antienne.
Un seul a survécu au vingtième siècle, Thierry Roland. Je crois que c’est grâce à Larqué, qu’il avait d’ailleurs eu le sage pressentiment de trouver pour l’épauler, sentant probablement ses limites, que j’aurai la bonté de qualifier de criantes. Jean-Mimi a finalement révolutionné la voix du commentaire, du consulting devrais-je dire. Pas seulement à cause de ses brillantes dix années de carrière sportive, mais par quelque chose de plus. Que, malgré les critiques, peu de ses successeurs possèdent. Larqué est un éducateur, cela s’entend à dix kilomètres du poste.
C’est aussi, et c’est un cas presque unique, un homme de mots. Ses phrases sont limpides comme les passes qu’il délivrait à Hervé Revelli ou à Dominique Rocheteau, ou comme la reprise de volée qu’il avait décochée en finale de la Coupe de France 1975.Larqué s’est rarement trompé dans ses commentaires à chaud. Combien de fois a-t-il anticipé des buts après avoir simplement observé des attitudes caractéristiques de joueur ou des mouvements d’équipe qui lui semblaient ressembler à des symptômes annonciateurs ? Il faut lâcher le terme, l’homme est intelligent. Et comme tout humain ayant la faculté de comprendre, il a su traverser les époques et les générations tout en en saisissant les évolutions. Jusqu’au moment où la télévision, justement, se sent l’obligation, ou plus exactement le devoir économique, de laisser la place à plus jeune, autrement dit plus rentable.