Ça devient très à la mode d’être l’homme (ou la femme) invisible. Ah, ça oui, nos amis sportifs ont ces temps derniers pris la fâcheuse habitude de se planquer magnifiquement, et à la queue leu leu, au jour et à l’heure des contrôles antidopage. De ne pas être là où ils devraient être, ou du moins pas aux endroits où on leur demande poliment de se trouver. Grégory Baugé, après Jeannie Longo et Yoann Huget, ont réussi l’exploit, hors leur métier de champion, de disparaître neuf fois (trois fois trois) des écrans radar alors qu’ils étaient priés, prévenus, depuis des mois, d’être présents – oh pas sur l’Himalaya, dans le désert ou encore moins sur la face cachée de la lune – mais tout simplement chez eux ou sur leur lieu habituel d’entraînement…
Et cela devient horripilant. Baugé, dernier cas en date, n’en est pas le moins troublant. Ces messieurs et dames seraient-ils aussi distraits qu’ils veulent bien nous le dire ? Je commence à en douter. Comme je doute depuis trente ans, mal intentionné que je suis, des versions servies par les impétrants, et en premier lieu par leurs avocats, à chaque fois que le mot dopage est prononcé à leur encontre.
Le cycliste sur piste français, nouveau crack de la discipline avec ses deux titres de champion du monde de vitesse glanés l’an dernier, a lui aussi manqué pas moins de trois rendez-vous avec les « gendarmes » du dopage. En dix-huit mois… Et pan, ce vendredi, le couperet tombe. Un an de suspension avec effet… rétroactif, et en prime privation des deux médailles d’or conquises il y a… onze mois. L’UCI (la Fédération internationale), comme à l’accoutumée, a l’art de faire jaillir la clarté dans la confusion en actionnant la guillotine après plus de trois mois d’enquête… Du pain bénit vous vous en doutez pour les défenseurs du pistard… qui, comme toujours, hurlent aux fautes et retards de procédure, pinaillent sur les règlements administratifs et fouillent, pour évidemment les dégoter, les contradictions entre les Fédérations, l’agence mondiale et celle française de l’antidopage, le CIO et les CNO, quand les tribunaux de tous lieux ne viennent pas mettre leur grain de sel…
Des athlètes aussi performants que distraits…
Résumons, Baugé n’a pas été pris la main dans un sac, encore moins sur une seringue ou dans une dose d’EPO… Il est coupable en quelque sorte d’objection de comportement, presque de conscience comme l’on disait pour les insoumis à la conscription. Objecteur, voilà le mot. Beaucoup plus chic que » tricheur » ou « chargé », qualificatifs à connotation si dégradante… D’ailleurs, l’avocat de Baugé est entré avec délice dans la brèche en déclarant très tranquillement que son client n’avait fait preuve que d’un « manque de sérieux » dans cette affaire et que le coup de règle en fer constituait « le fait du prince » (UCI). Ben voyons ! Tout ça est somme toute assez mérité pour les autorités et leur cortège de lois alambiquées, de guerre des chefs et de jésuitismes en série.
Alors, qu’insinue-je, me répliquerez-vous ? Que ces trois-là ont menti, qu’ils ont ingéré des produits pour améliorer leurs performances et qu’ils se sont ensuite amusé à jouer sur les incohérences de la législation de la localisation, mal ficelée et au bout du compte aisée à transgresser ? Mais non, que nenni… Je dis simplement que ces sportifs, si acharnés à l’excellence, si ambitieux de performances, si pointilleux dans leurs programmes de préparation, sont pour le moins dans certaines autres circonstances, si « légers » dans l’élaboration de leur calendrier de rendez-vous…