Physique mis à part, c’est le Guy Roux du rugby. Que l’on parle de l’Auxerre de jadis ou que l’on cause aujourd’hui du Stade Toulousain, tout converge ou se résume le plus souvent aux noms des deux entraîneurs les plus incontournables de l’histoire de leur club respectif. Guy Novès, comme en son temps son homologue bourguignon, fait le beau temps et, beaucoup plus rarement, la pluie dès qu’il s’agit du sujet le plus passionnant et passionné dans la Ville rose, le ballon ovale.
Contre Clermont, ce vendredi à Marseille, Novès s’est assis une dix-huitième fois sur le banc des Rouge et Noir à l’occasion d’une demi-finale du Championnat. Dix-huit fois en… dix-huit ans, depuis qu’il a pris en charge les destinées de son club en 1993. Un record de France, d’Europe, et du monde ! Novès a été joueur, un excellent joueur même, mais rien ou presque en comparaison de sa carrière d’entraîneur. Et, tenez, si l’on devait le comparer définitivement à l’un de ses congénères, ce serait sans doute à Alex Ferguson, l’homme-lige de Manchester United, ce qui suffit à cerner l’envergure du bonhomme.
Pour cette première demi-finale du Top 14 2010-2011, ce chasseur dans l’âme n’a pas dérogé à ses habitudes, s’est assis dix secondes sur son banc, puis a adopté tout au bord du terrain sans plus la quitter la station debout, ou accroupie, celles les plus efficaces du guetteur de proie. Novès est d’ailleurs le seul manager, puisque c’est sa fonction officielle, à ne pas s’installer sur des hauteurs durant un match de ses ouailles, à ne pas profiter du recul, à ne pas transmettre ses consignes par les ondes hertziennes à des adjoints. Il préfère respirer le même air que ses hommes, sentir quasiment leur souffle, et distiller en conséquence et en temps réel ses ordres à la voix.
Dans la tête de Novès, il y a toujours le coup suivant
Au Stade Vélodrome, il a immédiatement pris la mesure du territoire de chasse. Pendant que Vern Cotter, l’entraîneur adverse, trônait dans un fauteuil de tribune, trente mètres au-dessus des contingences, Novès répondait le long de la ligne de touche aux questions de Philippe Guillard, le roublard homme de terrain de Canal +, avec qui il compte manifestement en commun cette affinité de caractère. C’est le vent qui le préoccupait, indiquait-il d’emblée à Guillard. Il avait donc choisi de l’utiliser en décidant curieusement de jouer contre lui en première période, « car comme ça on pourra jouer en deuxième avec ce zéphyr, et c’est mieux ainsi lorsque la fatigue commence à gagner… » Tout bête. Mais à la fois le fruit indéniable d’une position privilégiée et, ce n’est certainement pas à exclure, d’une certaine expérience…
Pour le reste des quatre-vingt minutes, Guy Novès a passé son temps à faire du… Novès. Pester contre les éléments contraires, mouliner des bras, s’adresser au quatrième arbitre au sujet de rien et de tout, préparer avec stylo et feuille de papier ses changements de joueur, échanger technique avec ses lieutenants Jean-Baptiste Elissalde et Yannick Bru … etc. Mais le plus certain, c’est qu’il cogitait. Dans son esprit, il y avait évidemment déjà le coup suivant à préparer, la finale du Stade de France, dont il avait perçu très tôt, vu la tournure des événements, qu’elle se profilait (13-6 à la mi-temps et vite 19-6 en seconde après une maîtrise toulousaine incontestable qui conduisait à une inéluctable victoire finale 29-6). Il y avait donc dès avant le coup de sifflet final et dores et déjà dans le cerveau du mentor le déroulement de la semaine suivante, son programme précis de travail au jour le jour, et probablement le XV de départ de Toulouse samedi prochain à Saint-Denis.
A 57 printemps, Guy Novès vient de franchir un cap important, celui de ses dix-huit ans de vie d’homme de tête. Un cap majeur.
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