Pathétique, insensé, affolant. Les mots manquent ou ne signifient peut-être plus rien pour décrire l’impression laissée par Marc Lièvremont ce dimanche au sujet de son équipe et surtout de ses joueurs à l’issue du désormais historique et affligeantissime France-Tonga.
Que retenir de cette intervention d’un sélectionneur ravagé, dépassé, halluciné par ce qui lui tombe littéralement sur la tête depuis vingt-quatre heures ? Découvre-t-il seulement que son équipe s’est désintégrée en quatre-vingt minutes face au Tonga ou se rend-il compte qu’il a lui-même failli depuis bien plus longtemps ? Les phrases et les idées au lendemain du désastre se sont mélangées à un tel point que l’on en perd nous-mêmes toute rationalité.
Lièvremont : « Quand je suis remonté, il n’y avait plus personne… »
Sur ses joueurs, l’entraîneur des Bleus livre un constat qui dépasse le désabusement: « Ce matin, ils n’étaient pas tous rentrés à l’hôtel. J’aurais voulu qu’on se retrouve autour d’un verre, qu’on se parle, qu’on échange, qu’on boive, qu’on se dise que l’aventure est belle. Même là, j’ai été déçu. Le groupe s’est éparpillé. Force est de constater qu’on vous donne raison (aux journalistes présents devant lui)… Dès la fin de la conférence de presse, j’ai sorti trois packs de bière, dit qu’il fallait se lâcher parce qu’on était qualifié malgré tout (video stupéfiante de la « causerie » d’après-match !) En fait, j’ai été pris de court, j’avais des obligations médiatiques et quand je suis remonté, il n’y avait plus personne… »
Mais Lièvremont ne s’arrête pas à une analyse de comportement. Il va plus loin, plus loin sans doute qu’aucun de ses prédécesseurs: « Je ne me fais pas trop d’illusions. Pour eux, leur image est très importante. Ils ont des agents pour ça et j’ai vu certains d’entre eux avec eux après le match. Ils ont une carrière à gérer, une image auprès de la presse à satisfaire… ». Plus explicite qu’un long discours!
Bleus du rugby comme ceux du foot, c’est Knysna qui recommence…
C’est donc ce qui s’appelle la fin d’une histoire. Une histoire que certains, auxquels j’appartiens, n’ont d’ailleurs jamais cru qu’elle avait réellement commencé. Facile à dire maintenant, objecterez-vous ? Mais, je l’écris depuis des mois et des mois, Marc Lièvremont n’était pas l’homme qu’il fallait à l’équipe de France. Trop idéaliste, romantique peut-être. Et par là même influençable, modelable, alors qu’on le croyait de marbre. Tenez, comble de tout, symptôme freudien, Marc est allé jusqu’à se comparer à celui dont on n’aurait pourtant jamais cru qu’il puisse s’identifier, Raymond Domenech : « Sachez que j’ai le plus grand respect pour lui. Il a certainement sa part de responsabilité et j’ai la mienne, mais il s’est battu… Le rugby français et certains de mes joueurs se gaussaient des footballeurs l’an dernier, mais quelque part, hier soir, on n’est pas descendus du bus… »
Pour France-Angleterre : « Qu’ils fassent sans moi… »
Voilà, un second Knysna ! Des joueurs manipulés, un coach désincarné, sans parler d’une Fédération, en la personne de son président Pierre Camou en totale déliquescence. Et France-Angleterre samedi prochain… Ce match, et c’est la perspective surréaliste mais peut-être quelque part paradoxalement la plus lucide que « Marc le zombie » veut en livrer : « Qu’ils fassent sans moi, je demande que ça d’une certaine manière. Je serai là pour les accompagner et les encourager mais c’est leur aventure. » Lièvremont, je le répète et j’y insiste, n’est pas un nul ou comme il l’a dit par auto-dérision « …qu’un entraîneur de Pro D2 absolument pas compétent pour entraîner une équipe du standing de la France…« , mais un homme à qui a échappé la substantifique moelle du coach moderne, c’est à dire à la fois un technicien bien sûr, mais aussi et surtout, que cela plaise ou non, un gestionnaire d’hommes et des entourages, un communiquant…