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France 1998, la fin d’un monde

Certes, il y a plus grave que la séparation d’une bande de copains. Mais quand elle concerne la bande la plus fameuse de l’histoire de France, l’attention générale s’avive.Depuis des mois, on sentait que les champions du monde, nos champions du monde 1998 de football, se faisaient de plus en plus la gueule et commençaient même à tous se la payer mutuellement.

C’est Emmanuel Petit qui avait lézardé le premier un édifice que l’on croyait bâti, comme l’avait dit L’Equipe au matin du 13 juillet 1998, « pour l’éternité« . Dans son livre (A fleur de peau) paru en mars 2008, le dernier buteur de l’aventure avait osé, entre autres flèches aiguisées, remettre en cause l’icône absolue, Zinedine Zidane, le dénigrer même («Pour Zidane, on est différents. On n’a rien à se dire. On ne peut pas prétendre aider ceux qui en ont besoin tout en servant la cause des grands patrons qui réalisent des bénéfices records sans les redistribuer»). Petit avait ostensiblement fui la fête du dixième anniversaire de l’événement au Stade de France.

Les bisbilles s’étaient poursuivies lors de l’épisode de la main de Thierry Henry contre l’Irlande fin 2009. Bixente Lizarazu avait attaqué plein fer, mettant explicitement en doute l’honnêteté de son ancien coéquipier des glorieuses campagnes. Nanti de son micro sur RTL, et oubliant sans doute quelques uns de ses faits d’armes peu glorieux, il s’était paré du costume de Zorro et avait lancé en substance : « Titi, ta main est honteuse, repens-toi« . Le ton était monté et le ciel bleu de Saint-Denis s’était vraiment foncé. Pour la première fois depuis douze ans.

La trentaine largement passée, les héros ont abandonné, hormis Vieira, les terrains. Et les trajectoires ont franchement divergé malgré l’association commune laissée en héritage à la grandeur nationale et aux œuvres caritatives, et nommée bien sûr France 98. Certains ont choisi de rester dans l’action et l’entraînement, d’autres la réaction avec la parlote, tous d’ailleurs encore et toujours à l’abri du besoin, courtisés par les clubs, sélections ou médias. Un seul a vraiment pris de la hauteur, Lilian Thuram. Très engagé politiquement et socialement, le double buteur de France-Croatie a endossé un costume… d’arbitre. Mais distribuant à sa manière les coups de sifflet et les cartons, tout particulièrement à propos de sujets qui le sensibilisent, enfance, justice sociale, racisme.

Bleus de 1998 : l’affaire des quotas fait couler le radeau…

Cette vingtaine d’hommes exceptionnels à tous égards n’est sans doute plus la même. Les triomphants ont mûri, bourlingué, réfléchi, remâché leur gloire. Alors, pas d’illusion, comme aurait chanté d’eux Brassens : « C’étaient pas des amis de luxe, des petits Castor et Pollux… C’étaient pas des anges non plus, l’Évangile, ils l’avaient pas lu… Mais ils s’aimaient toutes voiles dehors, C’était leur seule litanie, leur Credo, leur Confiteor, aux copains d’abord… »

Problème, quand on pensait qu’ « Au moindre coup de Trafalgar, c’est l’amitié qui prenait l’quart« , le radeau a pris l’eau. La Méduse se noie. L’affaire des quotas de la FFF achève de couler le beau navire où les marins s’étripent pour une place dans les canots de sauvetage. Thuram met la tête sous l’eau de Laurent Blanc, Dugarry (« il se prend pour le juge suprême« ) éreinte Thuram, lui-même égratigné par Lizarazu, et Patrick Vieira (« des propos scandaleux« ) abat Blanc. Ils vont jusqu’à s’envoyer à la figure des souvenirs personnels, intimes, du fameux soir de grâce, qui n’en était peut-être pas un. Quand Duga raconte que dans le vestiaire du SDF, Thuram rassemble les « blacks » de l’équipe pour une photo entre eux, que veut-il dire, expliquer… ? On le devine, que Thuram se serait aussi, comme Blanc, laissé aller à des mauvais réflexes d’enfant, et qu’en conclusion tout ça n’était qu’écume sur l’océan… Mais la manière fait tache. Et l’on n’entend plus rien à tous ces sous-entendus…

Je le dis, car je le crois, ces garçons ne sont pas des « enfants de salaud » de la chanson de Georges. Mais ils ne navigueront plus en « Pères peinards« .On ne les verra plus que dans les livres et les archives nos géants bleus.