Le sport nous joue parfois des comédies un peu pénibles mais, c’est comme tout, ce satané divertissement nous réserve aussi des moments que l’anthologie humaine ingurgite goulument.
Ce vendredi, on s’y attendait pourtant un peu, il y allait avoir un nouveau champion olympique français au judo et un nouveau finaliste suisse au tournoi de tennis. Pas n’importe lesquels, certes, mais on avait déjà écrit à l’avance les papiers dans l’hexagone et la Confédération.
Teddy Riner allait désosser ses faire-valoir pour monter, après mille quatre cent soixante jours de frustration métallique, sur la plus haute marche du podium. Et Roger Federer allait se qualifier, parce que c’était comme ça et pas autrement, pour un match qu’il attend depuis environ une trentaine d’années, la finale olympique…
Pour le géant, l’affaire a été pliée en cinq combats d’une facilité à pleurer. Facile, facile, c’est vite dit. Il fallait quand même entrer cinq fois sur le tatami et faire le boulot. Un boulot qu’il est le seul sur l’ensemble des cinq continents à accomplir avec un art semblable de l’ippon, une supériorité pareille et une telle emprise sur les neurones adverses.
Une domination si effrayante que les cinq pauvres gars désignés à la désintégration ont tout juste mis un doigt d’orteil sur le tapis et sont repartis la queue entre les manches de leur kimono et quasiment les larmes aux yeux. Sans combattre.
L’ours Teddy a levé deux ou trois fois les pattes avant de soulever la breloque dorée. Alors facile, facile, c’est vite dit. Pour leur coller une pétoche pareille, il a bossé l’animal. Comme une bête. Depuis quatre ans et un sale souvenir des Jeux où un judoka lambda l’avait endormi doucement et privé de matière précieuse.
Oui, Riner était seul dans le dojo londonien. Seul à gagner et désormais seul pratiquement dans tout le judo et son histoire, pourtant assez repue de légendes.
Federer veut son dernier rôle-titre de maître des anneaux !
A Wimbledon, où le poids de ce cette histoire des exploits est assez lourd, entrait un garçon à la mine pas toujours réjouie mais qui possède la faculté de rendre beaucoup plus joyeux la bande de quelques centaines de millions petits chanceux qui vivent à son époque et peuvent admirer ses coups de génie.
Et pour la énième fois, la centième peut-être de sa carrière, le scénario s’est répété. Mais le joueur d’en face, Juan Martin Del Potro, contrairement aux victimes de Riner, n’était pas décidé à se faire bouffer par le lion de Bâle.
Durant quatre heures et vingt-six minutes d’un combat d’une férocité et d’une intensité peut-être sans exemple, « Del Po » s’est en fait mué en taureau de sa native pampa. Et mené une vie d’enfer au plus fameux torero que les arènes du tennis aient jamais accueilli. Un duel de « muerte ».
Juan Martin a rué, foncé, cogné avec tant de force que Roger en a tremblé, titubé, vacillé sous ses charges. Mais il a résisté, passant à quelques centimètres des terribles banderilles et a fini par sortir de sa tunique rouge la pique mortelle au 36e jeu du 3e set… Tout ça pour que son palmarès ne soit plus vierge du titre olympique en simple. C’est le dernier qui lui manque… Le seul sur terre.