On les surnomme les Experts. Pour leur art consommé de la victoire impitoyable, infaillible. Depuis sa campagne olympique victorieuse à Pékin, notre équipe de France de handball a marqué son époque, voire l’histoire de sa discipline et du sport français tout entier, si elle confirmait ces jours prochains sa mainmise en remportant un quatrième titre mondial.
Mais en France, le handball n’est pas le foot, ni le rugby ou même le basket. Son déficit de popularité et d’image est encore énorme, notamment par rapport au premier nommé. Ces jours-ci, la différence est apparue plus criante que jamais, et surtout injuste. Nos Bleus ne sont ni plus ni moins que la plus formidable sélection de sport collectif française de tous les temps. C’est incontestable, avec dans leur armoire à trophées, en ne comptant que les plus glorieux, quatre titres mondiaux, deux titres européens et une médaille d’or olympique, le tout en en peu plus de quinze ans. Inégalable dans l’hexagone. Et par dessus le marché, elle est extraordinairement spectaculaire, possédant dans ses rangs des artistes incomparables qui vont jusqu’à susciter l’admiration de leurs plus ardents adversaires.Et pourtant, et pourtant. Les Karabatic, Omeyer, Abalo, Narcisse ou Fernandez, sont des inconnus ou presque du très grand public. Et quasiment des grands sponsors du sport. Preuve la plus évidente de ce désintérêt injuste en diable, les unes des médias et des journaux depuis le début du Mondial en Suède ont bien du mal à se focaliser sur la bande à Onesta. Sans parler des grand-messes du 20h, totalement aphones, L’Equipe a fait son gros titre sur elle la veille de l’inauguration de l’épreuve et lui a consacré une semi-une le lendemain avant son premier match. Depuis, uniquement des petits titres ou photos en première page. Et quatre unes sur Lille, la fabuleuse formation de L1 de football ! Pendant que nos Bleus marchaient sur l’eau pour atteindre avec leur maestria habituelle les deml-finales de la compétition.
Trois cent mille euros pour une finale mondiale…
Plus incroyable, la télévision ignore ou presque les performances de nos phénomènes de la petite balle ronde. Les trois grandes chaînes nationales (TF1, France Télévisions et M6) ne retransmettent jamais (hors Jeux olympiques) de rencontres de l’équipe de France. Ou lorsqu’elles en sont contraintes ou forcées, c’est à dire quand il y a une finale mondiale ou européenne en jeu et que la loi – oui, vous avez bien lu, la loi – les y oblige ! Exactement comme si les Bleus du foot avaient dû attendre le France-Espagne de l’Euro 1984 ou le France-Brésil du Mondial 1998 pour connaître les joies d’être vus par les téléspectateurs !Cette année, c’est Canal +, presque comme d’habitude, qui suit les Bleus au Championnat du monde. Et qui se gargarise, autosatisfaction oblige, des chiffres d’audience (670 000 téléspectateurs de moyenne par match) qui feraient sourire, ou plutôt pleurer, en foot ou en rugby ! Et donc, nos « grandes chaînes » toujours aussi méprisantes, sortent du bois au moment où le loup (audience trop faible) n’y est plus… Et avec un zeste risible d’hypocrisie, France Télé par la voix de son patron des sports, Daniel Bilalian, se dit « intéressée » par la finale, autrement dit par le rachat des droits pour l’ultime match, en présence bien entendu de la France. Tiens, dites un prix pour voir… Cinq millions d’euros ? Non. Deux ? Non. Un million ? Toujours pas. La bonne réponse est… Trois cent mille euros ! Soit environ la moitié du coût… d’une étape du Tour de France ! Pauvre handball… Mais il faudrait peut-être dire aussi, pauvres directeurs des programmes…
Car il faut tout de même avoir la vue bien basse pour ne pas constater la valeur des anciens Barjots, puis Costauds, et désormais Experts. Tous les pays étrangers amateurs de handball se les arrachent depuis plus d’une décennie, l’Allemagne et l’Espagne en tête, où ils font les beaux jours de Kiel, Hambourg ou Barcelone. Avec des hauteurs de salaires que seuls, en France, Montpellier ou Chambéry peuvent encore prétendre suivre. S’il existait une dernière mesure de l’estimation des Experts, ce serait celle de leur entraîneur, Claude Onesta. Laurent Blanc, celui des Bleus du foot, n’a-t-il pas porté aux nues ce technicien hors pair et à la fois modeste, puisque sachant reconnaître ses fautes (comme après le match nul concédé en fin de match face à l’Espagne) alors qu’il trône sur le toit de son sport. Une vertu rarissime chez les patrons d’équipe nationale…
Mais qu’est-ce qui pourrait changer la donne et, ne serait-ce qu’un tantinet, faire bouger les billes ? Eh bien, essayer. Seulement une fois. De montrer dans nos petites lucarnes une grande équipe de France…
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