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Les chaînes prennent des droits mais oublient leurs devoirs…

Non, ça ne va plus. Plus du tout. Cette satanée télévision a rendu fous ou du moins névrosés, j’en suis sûr maintenant, la plupart de ses acteurs, je veux dire ceux qui la font comme ceux qui la subissent.

Par quoi commencer ?  Premier stimulus. Tiens, je tweetais (oui, je me laisse aller aussi à ce genre d’anglicisme ignoble) dimanche dernier qu’il nous était infligé dans cette seule journée pas moins de dix-neuf matches de foot en direct sur une demi-douzaine de chaînes. « Infligé », hardiment dit me répliquerez-vous, puisque nulle obligation légale ne m’impose ce pensum, cette torture dominicale.

Et c’est aussi vrai que nombre de « twittos » m’en ont fait ironiquement la remarque, me soumettant la cruauté de leur dilemme. Oui, dilemme, car ils ne savaient plus où donner de la télécommande parmi cette fête orgiaque de ballon rond.

Pourquoi un magazine est-il programmé à la place d’un grand match de tennis en direct ?

Je me suis un peu crevé à pondre il y a quelques années des explications livresques sur la naissance et l’évolution du sport à la télévision. Je vous épargne même son résumé. Mais je m’autorise avec ma permission à commettre un petit topo situationnel.Comme ça, pour voir, et vous faire connaître mon modeste sentiment…

Mais avant, deuxième stimulus ayant provoqué ce coup de gueule. Je tweetais (allez, j’écrivais un message de 140 signes sur le micro-réseau social) hier sur ma frustration à l’instant où je constatais qu’Eurosport ne diffusait pas en direct le match Benneteau-Djokovic à l’US Open. Il était environ 17h30 et ce 16e de finale venait de commencer. Entre un Français, Julien Benneteau donc, l’un des dix joueurs les plus spectaculaires du circuit, et Novak Djokovic, dont le grand chelem a échappé il y a trois mois pour deux petits sets à Roland-Garros…

J’osais donc me plaindre quand un responsable d’Eurosport, tout à fait cordialement je le précise, me répondit ipso facto sur ce même réseau, que le match était retransmis sur Eurosport 2… Eurosport 2, oui. Mais je ne suis pas abonné à Eurosport 2. Je suis un « redevancier » des chaînes publiques, je suis abonné à Canal +, au câble numérique, à BeinSport 1, BeinSport 2, à Infosport+, à l’Equipe TV… Mais, cher monsieur Arnaud Simon (Directeur Général adjoint d’Eurosport France), malgré ma maladie grave (cette addiction au sport, qu’on se rassure) je n’avais pas pris cette précaution de m’abonner à Eurosport 2…

Je ne suis pas abonné à Eurosport 2 parce que, d’abord, je viens je crois d’expliquer qu’un budget n’est pas extensible jusqu’au « pharaonique » comme vous pouvez le penser. Et ensuite parce que je m’attendais naïvement à ce qu’un 16e de finale des Internationaux des Etats-Unis entre un Français et le deuxième meilleur joueur (hormis Nadal, absent à New-York) de tennis de la décennie serait « offert » par Eurosport (Premium comme on dit), à laquelle je règle (indirectement) sans incident de paiement aucun mes mensualités depuis… 20 ans. Non, celle-ci nous a servi un magazine, du réchauffé donc, sur le GP de F1 couru trois heures plus tôt…

Guerres des chaînes, des droits. Oubli, mépris du téléspectateur…

Voilà maintenant le topo. Je ne me fais pas d’illusion. Eurosport n’a pas diffusé ce match simplement pour des raisons purement commerciales*. Filiale de TF1, Eurosport se devait de passer son magazine de F1 à l’heure dite. Sans pouvoir la déprogrammer, coûts de contrats et de production obligent. Choix financier évident. Mépris du téléspectateur. Et conséquence directe de mon propos liminaire…

Oui, Eurosport, comme Canal, comme France Télévisions, comme BeinSport… possède des droits sur des événements acquis au fil des années. Des droits qui fluctuent en fonction de la concurrence, des évolutions d’audiences de chaque sport ou discipline, des prix proposés, de l’état des possesseurs de droits intermédiaires, de la publicité, de l’entente tacite ou pas entre les responsables des chaînes…

Et cette multiplicité de contrats et donc d’obligations qui se mêlent et s’entrechoquent au sein souvent de mêmes groupes conduisent à l’ubuesque, au grotesque et à ce que je viens de décrire. Nous proposer un championnat de foot néerlandais (Ma Chaîne Sport) parce qu’il est quasiment gratuit est un effet direct et pervers de ce processus. Bien entendu, et j’en fais le pari, ce Championnat disparaîtra de nos écrans sous peu, car il est clairement intenable sur le plan financier, n’ayant aucune audience (ou bien j’accepte avec plaisir de faire mon mea culpa si l’on me communique les chiffres, mais on ne le fera pas). On a rempli une case pour la remplir. Et d’un autre côté on en a vidé une autre (Benneteau-Djokovic) parce qu’un contrat en couvrait un autre…

Puisque la mode est aux commissions, je propose celle qui réglementerait, à l’amiable naturellement et suivant les bonnes vieilles lois du fair-play (de l’honnêteté sportive si vous préférez) la bonne marche des répartitions du sport à la télévision. On en a créé pour moins que ça. Après tout, aujourd’hui, un milliard d’euros environ est dépensé annuellement par les chaînes françaises pour diffuser du sport, et ce milliard mériterait peut-être certains arbitrages… Bon, avant qu’elle se crée cette commission, je me serais, qui sait, quelque peu calmé…

(*) Et bien entendu, comme me l’a rappelé mon nouvel ami twitto David ( https://twitter.com/appledav) pour appâter habilement un possible nouvel abonné à sa chaîne Eurosport 2, présentée comme un complément idéal de la principale…

Canal+ veut-il encore du foot ?

En trois mois, Canal + a perdu la quasi-totalité de sa mainmise historique sur les droits télévisuels de la Ligue 1, littéralement bouffée par le nouvel ogre du sport mondial, le Qatar, et sa chaîne-pieuvre, Al-Jazira. Les moyens faramineux de l’émirat du Golfe ne suffisent pas à mon avis pour expliquer cette vraie fausse débâcle de la chaîne à péage…

Car Canal+, c’est clair si j’ose dire, n’est en réalité plus prêt à tout, ou presque, comme depuis plus de vingt-cinq ans, pour rester maîtresse absolue du foot français. Pendant deux décennies, Canal a « sous-payé » un football hexagonal (la Ligue Nationale de football) qui se contentait de ce qu’elle considérait comme une manne. Mais les « pigeons » se sont progressivement fait aigles (Aulas, Le Graët…) et c’est la chaîne cryptée qui a fini par se faire déplumer, jusqu’à déverser en 2005 les fameux 600 millions d’euros par an pour s’arroger une dernière fois la totalité des retransmissions des matches de L1 pendant trois saisons.

A partir de cette date, le vent a tourné. Canal s’est rendu compte de son irréalisme financier. La rentabilité non seulement s’essoufflait mais les pertes se sont accumulées. En grande partie à cause des matches à la demande, véritable robinet à pertes. Pas une rencontre en pay per view n’a jamais attiré plus de 50.000 personnes. Au total, Foot +, créée par Canal, a engendré un chiffre d’affaires bien en deçà des prévisions les plus pessimistes (80 millions d’euros par an).

Al-Jazira, vrai faux vainqueur de Canal+, va continuer à engraisser les clubs…

Et « Zorro » Al-Jazira est arrivé. Avec Charles Biétry à sa proue, meilleur connaisseur -et pour cause- des arcanes sous-terraines de négociations de droits sportifs. L’ex-patron des sports de Canal a en deux ou trois coups de lasso pris à ses « anciens amis » quatre-vingts pour cent des droits TV du ballon rond tricolore et la même proportion de ceux du foot étranger, cette fois à l’UEFA. Du travail de pro, avec l’aide, certes, d’un portefeuille à l’épaisseur sans limite. Mais comme la rentabilité à court terme ne figure pas dans son cahier des charges (le Qatar met en place une stratégie globale de communication et de développement en investissant massivement dans le sport européen et mondial, Barcelone, PSG, organisation Coupe du monde…) il va pour la modique somme de 240 millions d’euros sur quatre ans (soixante millions par an) avoir le plaisir de reprendre la commercialisation archi-déficitaire (Orange en a également fait la triste expérience) de ces fameux matches à la demande.

Quant à Canal, à qui il reste tout de même chaque samedi et dimanche, et le mardi ou le mercredi, les deux rencontres les plus alléchantes de L1 et celle de Ligue des Champions, les pleurs de façade contre le méchant Al-Jazira ne devraient pas durer. Délesté, outre de ses annuités exorbitantes, de dizaines de millions d’euros de frais techniques et de production, le groupe ne devrait pas pâtir de sa vraie fausse défaite… En terme de communication, Canal sait y faire…

La LNF, de son côté, va pouvoir poursuivre la redistribution ultra-généreuse de ses parrains et inonder les clubs professionnels français de subsides (une « aubaine » s’est exclamé Olivier Sadran, le président de Toulouse) que ces derniers brûlent toujours plus gaiement année après année. Mais c’est une autre histoire…

Droits télé, vive le décodeur… polonais

J’aime les obstiné(e)s. Karen Murphy en est une. Les vapeurs de bière de son pub, le bien nommé « Bleu Blanc Rouge » (Blue White and Red) situé à Portsmouth, lui sont-elles montées à la tête un beau jour de 2004 pour qu’elle décide de dire stop ? Stop au racket de BskyB qui lui facturait des sommes exorbitantes contre la retransmission de matches du Championnat anglais qu’elle offrait sur grand écran à ses braves clients ravis de s’arsouiller devant les matches de Manchester United, Arsenal ou Chelsea. S’est-elle grisée au point de faire alors appel à un opérateur grec qui lui proposait un prix environ dix fois moins cher ?

Non, cette bonne patronne a semble-t-il les formes aussi généreuses que la tête près de son (big) bonnet. Et le sens de l’histoire. A elle seule, elle vient, hier, comme Jean-Marc Bosman en 1995, de jeter un beau pavé dans la mare des droits du sport. Vous savez, ces droits qui sont devenus le sujet principal de préoccupation des édiles du sport mondial, qui ne pensent plus qu’à leurs exclusivités ou à leurs parts de marchés et qui se foutent du Tonga, du téléspectateur tondu et des emmerdeurs de mon genre.

Mais Karen en s’adressant, en citoyenne européenne, à sa Cour de Justice pour faire valoir son simple droit à ne pas subir l’iniquité, a gagné son combat. L’arrêt « Murphy » comme on l’a déjà dénommé, et qui récuse officiellement l’exclusivité absolue de la diffusion de matches sur un territoire de l’UE, va donc tout remettre en cause. Oh, pas en cinq minutes, les avocats de tous les diffuseurs vont se mettre en branle pour chercher la petite bête. Mais, à plus long terme, le bien est fait.

La Ligue 1 avec un décodeur polonais…

En résumé, vous comme moi, et grâce à la persévérance de Karen, pourrons bientôt nous abonner à un détenteur de droits… polonais de la Ligue 1 française pour suivre le Paris-SG, Marseille ou Lyon dans leurs fabuleux duels hexagonaux… Si, bien sûr, un grain de sable sorti du cerveau d’un artiste de l’argutie juridique ne vient pas enrayer le processus. Et si, naturellement, le tarif est plus attractif que ceux de Canal +, Foot + ou l’inénarrable Cfoot, la chaîne de la LNF. Ce qui ne devrait pas être bien compliqué vu les sommes scandaleuses que l’on nous soustrait depuis des années sans que l’on ne puisse réagir puisque la concurrence n’existait pas. En cochons de payants, il fallait payer ou s’abstenir. Il fallait payer et ne pas choisir. Il fallait payer ou se taire.

Thank you Karen.