Soit Didier Drogba est le footballeur le plus violenté d’Europe, soit une micro-tornade maléfique le poursuit partout où il est sur un terrain, soit il est devenu la seule victime d’une toute nouvelle loi de la gravité qui ne frapperait que les attaquants vêtus de bleu et portant le numéro 11 en les attirant invariablement le nez dans le gazon…
Didier Drogba s’est écroulé mercredi soir contre Barcelone une bonne dizaine de fois, multipliant les figures artistiques dans ses chutes au risque sans doute de… se faire vraiment mal. Certes, les Barcelonais ne lui ont pas fait la bise à chaque fois qu’il entrait dans leur champ de tacle. Mais les Blaugrana ne l’ont pas non plus coupé en deux. Le charmant Carles Puyol ou le doux Dani Alves lui ont bien sûr un peu caressé les tibias mais sans intention délibérée, comme cela arrive de plus en souvent, de lui briser la totalité des os de sa jambe… Mais Drogba, dès qu’il était touché ou simplement frôlé, voire ni l’un ou l’autre, finissait systématiquement à l’horizontale, arborant le visage de la souffrance du martyre ou le rictus de la victime torturée…
L’acteur Drogba joue comme un artiste à l’Opéra
Drogba n’est pas un simulateur, mesdames et messieurs. Mais un acteur, ce qui est tout à fait différent. L’Ivoirien avait clairement choisi – à quel moment de cette demi-finale Chelsea-Barcelone, avant ou pendant on ne sait pas, ni même peut-être lui – d’adopter une posture de comédien en plus de celle d’attaquant d’exception qu’il a été et demeure en quelques occasions. L’ex-Marseillais s’est selon moi senti en grande forme physique, cela s’est tout de suite vu d’après ses premières touches de balle, ce qui n’est plus si fréquent pour lui. Dans ces conditions si particulières, son degré de forme du jour allié à un match exceptionnel contre la meilleure équipe du monde dans l’ambiance surchauffée de Stamford Bridge, il s’est senti des ailes. Il a alors choisi de faire le spectacle comme il sait si bien le faire.
Son inconscient lui a soufflé au fil de ces minutes initiales où tout se jouait dans sa tête et dans ses jambes de se donner à fond, dans ses dribbles, passes, courses, duels. Y compris dans un jeu de scène aventureux dont il a le secret. Pour amplifier, comme au théâtre ou à l’Opéra, la dimension dramatique et émotionnelle de l’événement. Son choix comportait un risque, comme celui de tout pari. En l’occurrence de s’attirer les foudres de l’arbitre ou, pire encore, de se voir hué par ses propres fans si ce « cinéma » s’était mué en film de série B tant il aurait fini par sonner faux.
Mais Drogba, avec son expérience de ces rendez-vous au sommet du football, avait d’emblée perçu qu’il serait gagnant. Vis à vis de l’ensemble des éléments en jeu, homme en noir, public dans le stade et à la télévision, et surtout des adversaires sur le terrain. Tout ce beau monde a globalement été spectateur de la performance de l’artiste qui a de surcroît, comme si il l’avait deviné ou pressenti, marqué le seul but du match, synonyme possible d’une improbable qualification des Blues ! Drogba recevra-t-il son César mardi prochain au Camp Nou ?