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Tsonga était pourtant bien barré contre Djokovic…

C’est très rageant. A en pleurer même. Et il a chialé à grosses larmes sur le Central de Roland-Garros, Jo-Wilfried Tsonga. Quatre balles de match, là, dans le creux de la raquette, contre le numéro 1 mondial, comme quatre occasions de réaliser un immense destin. Et quatre fois, cette balle qui l’a fui, que son adversaire lui a fait maudire parce que lui, Novak Djokovic, à ces instants précis et vitaux, l’a mieux caressée, mieux dompté et en a fait l’objet de son triomphe.

Il était pourtant bien « barré », Tsonga, dans ce quart de finale. Deux sets arrachés sur le Central de Roland-Garros à l’invincible Serbe. Et cette fin de quatrième set, à 5-4 d’abord à deux reprises, puis une fois encore deux jeux plus tard et toujours sur service adverse à 6-5 en faveur du Français… Oui, ce devait être la fin, une belle fin. Mais ce fut plutôt la fin de la faim pour Tsonga. Et le début de la faim pour Djokovic, une faim de loup pour celui dont l’appétit pour la gloire ne semble plus connaître de limite.

Un Kinder pour Tsonga, mais ça ne repart pas…

Bien barré, parce qu’en ces quatre moments décisifs, « Jo » aurait bien eu besoin d’une énergie supplémentaire, du glucose d’une barre chocolatée dont il est depuis un an le « comédien » principal d’une pub devenue culte. Une réclame digne des plus sublimes nanars du genre et où notre meilleur joueur français se révèle un acteur si désolant qu’il en a très vite sur tous les réseaux sociaux et sur les stades acquis une cote de sympathie extraordinaire.

Quant à Djokovic, il est le meilleur joueur du monde depuis que ses médecins ont décelé dans son organisme une intolérance à une… protéine, le gluten, et qu’il n’en ingurgite plus un gramme… Rien ne se perd, ou plus exactement rien ne se gagne, tout se transforme…

Djokovic, Serena et… Brecht

Rarement, peut-être jamais, une scène de sport n’avait autant ressemblé à une scène de théâtre. Ce week-end, le gigantesque central de Flushing-Meadows a vibré en deux occasions aux jeux, de scène donc, de deux acteurs exceptionnels du tennis. Novak Djokovic et Serena Williams ont joué au tennis, mais surtout joué un rôle de gestes et d’actes peu commun, favorable au premier, défavorable pour l’autre.

L’importance de l’évènement et la grandeur du lieu ont forcément commandé leur manège. Alors que son légendaire adversaire, Roger Federer, chouchou de 99 % des 20 000 spectateurs de l’arène, allait évidemment l’enterrer en servant à 40-15 et 5-4 dans le 5e set de la demi-finale, le Serbe a tenté le coup de poker le plus improbable de sa carrière en retournant cette première balle de match à une vitesse prodigieuse, clouant le Suisse sur place et laissant le public béat de stupéfaction. Djokovic a alors entamé une sorte de dialogue muet avec les spectateurs, levant les bras, souriant, implorant presque leur sympathie. A cet instant, le joueur ne l’était évidemment plus. Je suis persuadé que Djokovic venait de comprendre le parti à tirer de ce petit miracle sorti de sa raquette. En quelques secondes, son talent scénique lui permettrait d’abord emporter une adhésion populaire qu’il ne parvient pas à susciter depuis des années. C’était déjà ça de fait même si la défaite était toujours aussi proche avec une deuxième balle de match à venir pour le Suisse. Restait évidemment à écarter le principal danger, Federer…

Djokovic, acteur et improvisateur…

Et tout Federer qu’il est, tout meilleur joueur de tous les temps que la postérité lui a déjà brodé sur le bandeau, tout quintuple vainqueur à New-York qu’il demeure, l’homme est désormais un mari, un père de famille, une légende vivante et en même temps celui qui avait déjà craqué douze mois plus tôt face au même diable dans des conditions presque similaires (deux balles de match et défaite)… Et quand on sait que l’autre sait que l’on sait… Le coup droit invraisemblable d’audace de Djokovic ajouté à sa comédie de pseudo-perdant a brisé définitivement le mental de Federer qui redevenait témoin de sa propre perte. « Djoko » venait de renverser le cours de la pièce, de la réécrire, d’en ajouter une nouvelle fin.

Serena joue et sur-joue…

Le lendemain, au même endroit, Serena Williams a surjoué elle-aussi. Hurlant d’un cri bestial sa jouissance au début de son deuxième set face à l’Australienne Sam Stosur dans le même temps qu’un revers gagnant, l’Américaine s’est vue immédiatement sanctionnée d’un point de pénalité par l’arbitre, une jeune femme à l’aspect aussi frêle et doux que son autorité tranchée. Surprise totale de la surpuissante ancienne numéro un mondiale, hésitante dans un premier temps quant à la conduite à tenir après cette humiliation subie devant son public acquis férocement à sa cause le jour-même du dixième anniversaire du 11 septembre 2001… Serena prend donc une résolution, pas celle de la résignation.

Elle se cabre, s’adresse avec véhémence à Eva Asderaki, raquette tendue vers la chaise comme une épée. Au changement de côté, ce sont des paroles menaçantes qui s’envolent de sa bouche « Ce n’est pas vous qui m’avez baisée la dernière fois ? vous êtes une loseuse, si vous croisez mon regard dans le couloir du vestiaire, je vous conseille de regarder ailleurs… » Comme Djokovic, l’ancienne numéro 1 mondiale est entrée dans un rôle, délibérément, sans naturellement l’avoir préparé. L’improvisation lui est venue dans un contexte soudainement transformé par un fait inattendu, en dehors du jeu. Serena a bien sûr, elle le savait en agissant de la sorte, voulu inverser une tendance du match qui lui échappait en tentant de s’approprier une force supplémentaire à son salut. Serena, en fait, et en vieille routière des courts, s’adressait indirectement par son attitude à son adversaire, absolument sans reproche lors de l’incident : « Ma petite, je ne me laisserai pas faire et tu vas aussi subir mon courroux, comme cette infamante arbitre !… » Manqué. Stosur, à la personnalité aussi effacée que l’est celle, hypertrophiée, de Serena, décide de conserver sa ligne de modestie. Elle ne s’invente pas un rôle, et décide d’ignorer, d’expulser, de ventiler aux quatre coins du court la furie de la prima donna. Et gagne.

De ces deux actes, manqués ou pas, Bertolt Brecht, le dramaturge, penseur du théâtre et des acteurs, et enfin décortiqueur des comportements humains, se serait fait du miel et sans doute écrié « Même le plus petit acte, simple en apparence, observez-le avec méfiance.« …

Tout commence et tout s’achève avec Nadal et Federer

Quand on lira aux enfants et petits enfants des prochaines générations le grand livre de l’histoire du tennis du vint-et-unième siècle, on commencera par leur susurrer « Il était une fois… Roger Federer et Rafaël Nadal ».

« Tu sais, mon petit, poursuivront le papa ou la maman, je vais te conter une histoire extraordinaire, celle des mille et unes balles, lancées aux quatre coins de la terre par deux magiciens fantastiques et dont on cherche toujours à percer les secrets… Le premier, né dans les montagnes suisses, avait inventé, au début des années 2000, une nouvelle version du jeu dont je t’ai montré ce matin les rudiments… Il paradait en permanence sur son tapis volant. L’autre, venu d’Espagne, était parvenu, à l’aide de son bras surnaturel, à s’élever à sa hauteur, et à pouvoir lutter pratiquement d’égal à égal. Sur leur nuage, là-haut très près du ciel, quelques autres humains les observaient au télescope et essayaient de les atteindre… »

Rafaël et Roger, l’histoire sans fin…

L’histoire est enfantine, mais la réalité peut se confondre avec l’imagination. Et à l’aube de ce Roland-Garros 2011, beaucoup pensaient que la légende des deux hommes avait pris un coup de vieux. Le roi Nadal se lassait dans son Versailles de brique et l’empereur Federer ne parvenait plus à redresser sa couronne sur son front. Un manant effronté, Novak Djokovic, visait carrément à les renverser et à s’emparer du double sceptre… Jamais, depuis 2004, on ne s’était montré à ce point si menaçant, arrogant. L’impétueux Serbe s’était préparé depuis le début de l’année une route si large et majestueuse qu’il en avait franchi les obstacles sans la moindre sortie de trajectoire. Quarante et un succès, trois contre Nadal, deux contre Federer… L’arrivée, à Paris, s’annonçait triomphale pour le nouveau César qui désirait tant réécrire la Guerre des Gaules…

Mais la légende, puisqu’elle est la légende, ne s’efface pas d’un trait. Ses personnages détiennent des pouvoirs surnaturels et entretiennent à satiété le merveilleux. Nadal est formé de cellules inconnues de la science, Federer fait jaillir de sa main des énergies nouvelles… Avec eux, rien ne peut donc jamais se clore, et ils se retrouvent éternellement tous les deux en duel. Seul Rafaël peut battre Roger, et vice et versa. Ce vendredi, malgré les signes noirs qu’on avait semé sur leur chemin, la force et le prodige leur sont évidemment restés fidèles. Nadal a balayé d’un revers de main gauche un Ecossais, Andy Murray, aussi fier que blessé, mais dont l’échine a cédé sous les coups infernaux. Federer a de son côté face à Djokovic ressorti de son sac sa lampe d’Aladin. Le génie était dedans.

Dimanche, sur la terre rouge, les deux Chevaliers repartiront à la quête de la Coupe céleste…

Un samedi à Roland-Garros sur France 2…

C’était LE match de la semaine à Roland-Garros. Nul n’en doutait, ce troisième tour entre Djokovic et Del Potro constituait pour toutes les raisons du monde et à tous les sens du terme le choc des chocs du premier samedi de la quinzaine porte d’Auteuil. Sur France Télévisions, l’événement n’en était visiblement pas un…

La preuve de l’intérêt suprême de la rencontre avait été donné la veille par les deux hommes qui s’étaient livré deux sets durant à un ahurissant combat de puncheurs avant l’interruption due à la nuit. Deux manches phénoménales d’intensité et de puissance partagée d’un côté et l’autre du filet. Un niveau peut-être jamais atteint à Roland-Garros. Le public ne s’y était d’ailleurs pas trompé en se ruant sur le court Suzanne-Lenglen, où l’on avait délocalisé le match en fin de journée, provoquant un embouteillage sans exemple aux entrées.Le match reprend donc au même endroit le samedi aux alentours de 13 heures… sans que France 2, ou France 3 ou 4 ou 5, ne nous en retransmette d’image. Laurent Luyat, le sympathique animateur, lance son après-midi de tennis avec sa co-présentatrice Tatiana Golovin, dont il vante une minute durant comme chaque jour la coiffure, la tenue, la couleur de ses ongles et le charme universel, plus rarement le talent pédagogique…Djokovic et Del Potro pendant ce temps-là s’expliquent à coups de missiles sol-sol, de passing-shots supersoniques et de services dont les radars du périphérique d’à côté ne pourraient même pas mesurer la célérité… Mais Lionel Chamoulaud, le patron télévisuel des lieux depuis plus de vingt ans, est en place sur le Philippe-Chatrier, en compagnie d’Arnaud Boetsch, impeccable représentant de la marque Rolex en France et d’humeur badine. Le duo distille ses avis à la France entière sur un autre match, un sommet du jeu bien sûr, incontournable, le fabuleux Gilles SimonMardy Fish… On nous annonce qu’il fait beau, que le vent souffle un peu, que Fish « va à la pêche » (jeu de mots) et que Simon, alors que le premier set n’est pas achevé, jouera au prochain tour contre Söderling…

A Roland-Garros, le fantôme de Lacoste hante encore les lieux…

« Djoko » et « Delpo » sont toujours invisibles aux téléspectateurs… Luyat nous informe alors d’un scoop mondial, la présence de Richard Gasquet sur son plateau. Le public aurait, affirme Luyat d’un ton réjoui, applaudi à tout rompre son invité lors de son entrée sur le plateau situé tout en haut du Central. Vainqueur la veille de la terreur interplanétaire, le Brésilien Bellucci, le Français explique dix minutes durant qu’il est en forme, que le public le soutient plus que jamais, qu’il est très heureux d’être là, qu’il attend avec impatience son match du lendemain face à… Djokovic, qui n’en pas au même instant fini avec son troisième set… Six cent secondes aussi passionnantes qu’un échauffement de premier tour de double mixte seniors d’interclubs… Le cadreur de cet événement conserve lui toute sa concentration, focalisant ses plans sur Gasquet et son superbe polo dont tous les myopes, astygmates et daltoniens ne peuvent ignorer le sigle « Lacoste » écrit sur sa poitrine en lettres blanches sur fond rouge…Vers 15 heures, la France découvre enfin des bribes du match fantôme. Patrice Dominguez, curieusement le seul crédible foyer de connaissances tennistiques de la troupe de variétés de France Télévisions à Roland-Garros, doit faire vite, très vite, pour expliquer ce qui se déroule sous ses yeux. Un petit quart d’heure de plaisir… Avant la victoire de Djokovic, interviewé à sa sortie du court par Nelson Montfort :  « Nous sommes très heureux pour vous, Novak, nous vous souhaitons le plus grand bonheur dans ce tournoi, c’est toujours très agréable de vous parler…« , en somme soixante secondes de… France 2.

Stupéfiant Djokovic

On pensait ne jamais voir ça comme on pensait à l’éternelle pérennité du mur de Berlin. Enfin, on croyait, au pire, qu’un Rafaël Nadal en bonne santé ne céderait sur terre battue qu’un beau jour de sa retraite pour un tournoi des légendes, une fois son cinquantième anniversaire passé…

Mais l’événement est survenu plus vite que prévu. Plus vite, façon de parler bien sûr. Rafaël Nadal n’avait pas mangé une feuille de match sur un court en terre rouge depuis… sept ans. Nadal était bien l’ogre de l’ocre. Plus vorace encore que Borg, l’extraterrestre des années 70, ou Bruguera son compatriote, ou Muster l’Autrichien.

Il y avait bien eu quelques tentatives de putsch dans ce monde plutôt policé de la balle ronde pour arracher le sceptre au Majorquin. Mais les pauvres rebelles s’étaient cassé les boyaux les uns après les autres. Même sa majesté Roger Federer, qui était allé jusqu’à une certaine humiliation en voulant répondre coup pour coup au Titan à Roland-Garros, en avait pleuré de rage. Quant aux autres, ils y étaient parvenus une ou deux fois, mais Nadal était entré sur le court à chaque fois pratiquement sur une chaise roulante !

Ce coup-ci, ce dimanche à Madrid, chez lui en Espagne dans une arène de Madrid tout à sa cause, en forme olympique, Nadal a trouvé son maître. Pas vraiment celui qu’on aurait attendu il y a deux ou trois ans, où les grands visionnaires du tennis osaient sur un coup de folie parier à l’époque sur Nalbandian, Davydenko, voire Tsonga ou Monfils pour les plus mentalement atteints !

La métamorphose du fou Djokovic !

Le pourfendeur du mythe s’appelle Novak Djokovic, 23 ans et nouveau roi de la terre. Un Serbe un peu dingue, souvent horripilant,  mais qui a tout doucement, au fil des années, apprivoisé l’oiseau noir qui se baladait dans son cerveau. La bestiole ne vient plus trop le taquiner. Plus de raquettes détruites, d’abandons sans raison apparente, de blessures inexplicables. Bref, le garçon, dans sa vie, dans sa caboche, a chassé ses démons.Comment, on ne sait pas trop pourquoi. « Djoko » fait toujours du cinéma sur un court, grimace, se flagelle les membres avec son engin de travail ou geint, mais on ne le voit plus se noyer dans l’auto-destruction. Et son corps obéit sans plainte à la tête. Son service ne joue plus les sales traîtres, son revers est devenu un deuxième coup droit qui martyrise les plus résistants à la souffrance.

S’est-il persuadé que Nadal ou Federer les deux légendes vivantes, qu’il bat désormais plus souvent qu’à leur tour, n’ont que deux bras et deux jambes ? S’est-il inspiré des exploits au Moyen-Age du grand et fort prince Stefan de Serbie ou s’est-il abreuvé des ancestrales potions magiques des Haidouks, ces hordes de résistants à l’Empire Turc ?

La réponse est en lui. Djokovic n’est en tout cas plus le même. D’ailleurs, il n’imite plus ses collègues sur le court. C’est maintenant lui qu’on va devoir imiter.