Quand on lira aux enfants et petits enfants des prochaines générations le grand livre de l’histoire du tennis du vint-et-unième siècle, on commencera par leur susurrer « Il était une fois… Roger Federer et Rafaël Nadal ».
« Tu sais, mon petit, poursuivront le papa ou la maman, je vais te conter une histoire extraordinaire, celle des mille et unes balles, lancées aux quatre coins de la terre par deux magiciens fantastiques et dont on cherche toujours à percer les secrets… Le premier, né dans les montagnes suisses, avait inventé, au début des années 2000, une nouvelle version du jeu dont je t’ai montré ce matin les rudiments… Il paradait en permanence sur son tapis volant. L’autre, venu d’Espagne, était parvenu, à l’aide de son bras surnaturel, à s’élever à sa hauteur, et à pouvoir lutter pratiquement d’égal à égal. Sur leur nuage, là-haut très près du ciel, quelques autres humains les observaient au télescope et essayaient de les atteindre… »
Rafaël et Roger, l’histoire sans fin…
L’histoire est enfantine, mais la réalité peut se confondre avec l’imagination. Et à l’aube de ce Roland-Garros 2011, beaucoup pensaient que la légende des deux hommes avait pris un coup de vieux. Le roi Nadal se lassait dans son Versailles de brique et l’empereur Federer ne parvenait plus à redresser sa couronne sur son front. Un manant effronté, Novak Djokovic, visait carrément à les renverser et à s’emparer du double sceptre… Jamais, depuis 2004, on ne s’était montré à ce point si menaçant, arrogant. L’impétueux Serbe s’était préparé depuis le début de l’année une route si large et majestueuse qu’il en avait franchi les obstacles sans la moindre sortie de trajectoire. Quarante et un succès, trois contre Nadal, deux contre Federer… L’arrivée, à Paris, s’annonçait triomphale pour le nouveau César qui désirait tant réécrire la Guerre des Gaules…
Mais la légende, puisqu’elle est la légende, ne s’efface pas d’un trait. Ses personnages détiennent des pouvoirs surnaturels et entretiennent à satiété le merveilleux. Nadal est formé de cellules inconnues de la science, Federer fait jaillir de sa main des énergies nouvelles… Avec eux, rien ne peut donc jamais se clore, et ils se retrouvent éternellement tous les deux en duel. Seul Rafaël peut battre Roger, et vice et versa. Ce vendredi, malgré les signes noirs qu’on avait semé sur leur chemin, la force et le prodige leur sont évidemment restés fidèles. Nadal a balayé d’un revers de main gauche un Ecossais, Andy Murray, aussi fier que blessé, mais dont l’échine a cédé sous les coups infernaux. Federer a de son côté face à Djokovic ressorti de son sac sa lampe d’Aladin. Le génie était dedans.
Dimanche, sur la terre rouge, les deux Chevaliers repartiront à la quête de la Coupe céleste…