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Picamoles sans bémol, Clerc l’éclair

A Toulouse, où la frime ne fait pas partie du paysage, on joue au rugby. Point barre. Et le plus souvent on gagne, depuis des générations. C’est une école, une institution, même, ce Stade Toulousain. Et comme dans toute maison où l’on ne vise que l’excellence dans l’humilité, vous n’y verrez jamais un Rouge et Noir se voir plus beau qu’il ne l’est.

Louis Picamoles est un avant comme je les aime. Du poids et du muscle mais, mieux encore, des qualités hors normes de percussion. Une sorte de bélier, de requin-marteau face auquel on ne peut trouver le moyen de s’opposer et par qui l’on finit par être mangé. Et puis, qualité suprême, le bonhomme ne se prend pas pour un autre, vertu que l’entraîneur Guy Novès apprécie entre toutes. A Montpellier, le grand Louis a été pendant deux ans l’un des « quatre Fantastiques », avec Ouedraogo, Trinh-Duc et Thomas. Arrivé l’an dernier à Toulouse, il n’a certainement pas changé de personnalité. Pas le genre du bonhomme. Mais il a changé de crèmerie, ce qui qui suffit parfois à faire tourner les idées dans une certaine mélancolie. Picamoles s’est de surcroît pris un paquet de coups depuis qu’il est installé en Haute-Garonne. Des blessures aux bras et jambes et sûrement aussi à l’âme.

Avec Picamoles, la puissance se mesure en… Mégawatts

Ce mardi, pour ce match européen à Ernest-Wallon curieusement disputé avec 72 heures de retard en raison de la part des Ecossais de Glasgow d’un sens affirmé  de la distraction dans les aéroports, Picamoles a crevé l’écran. A sa façon, ultra-puissante, mesurée pour le coup en Mégawatts. Les imprudents Scottish qui ont tenté de stopper l’engin ont pris une énorme décharge dans tout le corps. L’ex-Héraultais, en forme nucléaire, a fait sauter les compteurs adverses. Un peu vexé par le manque d’intérêt récent que lui a porté Marc Lièvremont, Picamoles s’est, en quatre-vingt minutes de charges monstrueuses, rappelé au bon souvenir du sélectionneur. Jamais rassasié, il s’est défoncé jusqu’à l’ultime seconde, celle où il a croisé une semelle écossaise, peut-être l’une de celles que les Warriors avaient égaré à Roissy, lui valant un bon trou dans le crâne… une éraflure pour notre Goliath.Pour cette rencontre baroque, il fallait forcément un événement notable. Ce qui fut fait et vite fait. Le trente-et-unième essai en H-Cup de Vincent Clerc, qui a amélioré d’une unité son record, a été inscrit sur la seule véritable possession de balle de l’ailier international, entré un peu avant l’heure de jeu. Faut pas lui laisser d’occasion à Vincent…

Skrela, le doute n’est plus permis

Il a connu de bons moments, mais qu’est-ce qu’il a eu comme galères, David Skrela !

Il a parfois craqué, comme avec les Bleus contre l’Australie fin 2008, ne réussissant si mes souvenirs sont exacts qu’un but sur six ou sept. Il a aussi vécu aussi des moments de grâce. Comme en 2008 lorsque sa pénalité de la dernière seconde en phase de poules de H Cup était passée entre les poteaux après une trajectoire invraisemblable. Je l’avais appelé au téléphone pour l’interviewer une heure après, sans beaucoup d’espoirs qu’il décroche. Il avait répondu sur son portable, dans le vestiaire… « Non, non, j’ai eu de la chance, m’avait-il répliqué d’un ton désarmant de simplicité, c’est le vent qui m’a aidé » ! Tu parles Charles. Fallait quand même la mettre celle-là du bout du coin du terrain !

Il a été critiqué, beaucoup, trop sans doute. Son jeu n’a jamais laissé la moindre part au faux semblant. Tout dans l’engagement. Et les blessures ne l’ont bien sûr pas épargné. Une sorte de recordman dans le genre, à Paris ou à Toulouse. Mais le doute ne fait pas partie de sa philosophie. Quant à son humeur, et c’est rare chez les sportifs, elle ne le trahit jamais. Je ne crois pas l’avoir vu céder à l’euphorie ou au découragement après une belle victoire ou une vilaine défaite.

Son match fantastique contre le Leinster – vingt et uns points (quatre buts, deux transformations, un essai) – en demi-finale de la Coupe d’Europe ne l’a pas changé (pratiquement aucune allusion à sa performance à lui : « Je suis très fier de l’équipe ») et ne le changera sans doute pas. Il a fait son boulot, il le sait, pas de quoi monter au plafond. Demain sera un autre jour.Mais si la justice du rugby fait aussi son job, Skrela devrait un jour en bénéficier. Définitivement. Et plus pour le pire…

Nous battrons les Irlandais d’un pied !

L’Irlande est une belle terre, un beau pays. Dont nous autres, Français, avons tendance en foot ou en rugby à prononcer le nom souvent, très souvent, ces derniers temps. Et ce n’est pas fini puisque les 1er et 2 mai prochains, Biarritz et Toulouse se paieront le luxe de rencontrer le Munster et le Leinster en demi-finales de la Coupe d’Europe. Pas des cadeaux, ces deux Provinces irlandaises ! Les deux derniers champions d’Europe !Je serais Biarrot ou Toulousain, je me méfierais. Les Irlandais, qui sont déjà naturellement des durs à cuire, seront certainement habités par une motivation supplémentaire. Car ils ne sont pas oublieux non plus. Un certain Thierry Henry les a légèrement indisposés il y a quelques mois avec sa main baladeuse. Tiens, pour vous faire une comparaison avec nous, un truc façon « Alésia », « Waterloo », « Schumacher et Battiston ». Vous voyez le genre. De quoi garder l’incident dans les têtes pendant environ deux cents générations.Le plus marrant, ce serait que ces deux coups-là, on gagne à la dernière minute sur des coups de pied, une pénalité et un drop for example. Je ne suis pas si sûr que ça ferait rigoler les Irlandais. Pourtant, vaincre les Irlandais d’un pied, ce ne serait pas perdre le sens de la mesure.

Toulouse-Paris, assez parlé !

Stade ToulousainStade Français. Rien que l’évocation de ces deux appellations fait parler, causer, jaser. Et rend même certains un peu bêtes et méchants. Tiens, l’autre jour sur Twitter, quelqu’un a lancé sur le réseau que le fait de s’appeler « Stade Français » était déjà un signe de présomption ! J’ai eu beau répliquer que le nom du club parisien remontait à 1883, date de sa création par des étudiants en mal d’activité physique, qui se contentaient de se référer au « Stade » de l’Antiquité, et ne se rendaient certainement pas coupables d’un quelconque nationalisme mal placé en y accolant le mot « Français », je n’ai pas eu de réponse.De toute façon, la mission était impossible. Autant faire avaler du cassoulet à Max Guazzini ! Ah, mais me voilà à mon tour polémiste ! A dessein. D’abord parce que ça me délecte. Et ensuite parce que, convenez-en, ce quart de finale de Coupe d’Europe Toulouse-Paris, personne ou presque, et c’est dommage, n’en parle non plus au niveau du terrain. Ce match est, a été depuis pratiquement quinze ans, et restera longtemps comme une confrontation de « clochers ». Un affrontement de cultures. Une opposition d’idées. Une rencontre de personnalités, un combat de chefs. Qui de René Bouscatel ou de Max Guazzini a lancé le premier les hostilités à l’entournure des années 2000 ? Personnellement je m’en fous. Ces deux-là, je trouve, jouent bien leur rôle. Et ils ont bien travaillé. Pour leur club, et finalement pour les autres. Toulouse est la référence européenne du jeu, Paris est la référence européenne du nouveau rugby populaire. Tout le monde y a gagné.Mais curieusement cette semaine, la guerre psychologique d’avant-match n’a pas eu lieu. Guy Novès lui-même n’a déclenché comme à son habitude aucune arme sol-sol anti-Paris. Ce dernier, qui cumule il est vrai les emmerdements en tous genres cette saison, s’en est de son côté pris à la presse, stigmatisant un « lynchage médiatique », plutôt que de rajouter un des couplet vachards dont il a le secret en direction de l’adversaire. Je crois plus sûrement qu’il n’a pas digéré la biographie le concernant parue ces derniers jours.Pourquoi Toulouse et Paris sont-ils soudainement si sages l’un envers l’autre ? Les deux clans se sont recentrés sur l’essentiel, sans pour une fois s’éparpiller dans le superflu du verbe. Oui, je pense que ce coup-ci, l’enjeu est grand, plus grand qu’à l’accoutumée. Malgré le boulot accompli et les titres cumulés par l’un et par l’autre, un moment vient où les supporters, les actionnaires, les sponsors, s’impatientent. C’est la rançon de la gloire. Toulouse perd et c’est une saison qui sera bien difficile à sauver tant les Haut-Garonnais rament en Top 14. Des questions de fond, sur l’avenir, dans un club pourtant si attaché à la pérennité, pourraient même être soulevées. Si Paris s’incline, c’est le coup de massue supplémentaire, et dieu sait que le Stade Français en a pris cette année, celui qui peut assommer.Toutefois, je ne cède pas trop vite à la panique. Dimanche soir, le Stade Toulousain et le Stade Français auront gagné ou perdu. Un match.