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John Isner, géant du tennis, confirme Darwin

En sport, chaque génération qui émerge apporte son lot de technique et de force supplémentaire par rapport à la précédente. C’est l’évolution humaine, celle de Darwin, si vous voulez. Rien n’est trop prouvé mais l’ami Charles en a quand même tracé il y a cent cinquante ans une ligne fondatrice que personne n’a toujours réellement contestée. La progression du processus, si progression, il y a, est plutôt lente et chamboulée, mais elle se fait inéluctablement. Chez l’homme, on s’adapte aux éléments extérieurs, on grandit…

En tennis, on constate évidemment le même phénomène. Les champions apparaissent régulièrement, plus rapides, plus costauds voire même plus adroits encore que leurs prédécesseurs pourtant qualifiés en leur temps de génies. On avait successivement crié de la sorte pour Laver, puis pour Nastase, McEnroe et enfin Federer. Sur le plan du physique, notre Yannick Noah des années 80 avait symbolisé cette nouvelle révolution de la taille alliée à la vitesse. Les joueurs frôlant le double mètre semaient souvent la terreur et l’on pensait alors que l’immense Richard Kracijek, par exemple, pourrait définitivement amener les géants au sommet et renvoyer les « petits » à leurs études. Mais les Goliath ont toujours eu, jusqu’à maintenant, les pieds d’argile. Et les Karlovic ou Del Potro ont trop sollicité leurs longs et fins os qu’ils ont fini par faire craquer.

Avec Isner, les géants n’ont plus les pieds d’argile…

John Isner vient de se ranger en nouvelle preuve vivante de la théorie de Darwin. On pensait il y a encore quelque mois que cet échalas américain de 2,06 m, long comme un jour sans pain, finirait comme ses congénères de taille exagérée, dans le cabinet des médecins ou aux oubliettes du tennis de cirque. Le garçon, pour le malheur de l’équipe de France de Coupe Davis de Tsonga après celui de l’équipe suisse de Federer, confirme que la science va devoir s’intéresser à son cas. Très sérieusement. Pour vraisemblablement en écrire un nouveau chapitre à enseigner dans les amphithéâtres d’école de médecine…

Isner, qui n’était il y a peu qu’un « service », décoche désormais ses autres coups aussi puissamment et, surtout, efficacement. De surcroît, il tient la distance, et pas moyennement, comme contre Nicolas Mahut à Wimbledon, où il a enduré victorieusement… onze heures de combat. Et sans doute parce qu’il est diplômé d’université, le garçon sait que son physique, forcément plus handicapant à la longue (dos particulièrement) doit se travailler intelligemment. Un mental qui ne le fait plus douter de rien. Qui l’encouragerait plutôt à se persuader complètement de sa capacité à en faire un numéro 1. Un numéro 1 du tennis, mais aussi un numéro 1 dans le grand livre des origines. Un vrai premier de son espèce…

Forget, Gasquet, Simon : des râteaux en Espagne !

La Coupe Davis méritait autre chose. D’autres Français l’ont tant aimée que ceux-là n’étaient pas autorisés ce vendredi à la mépriser de la sorte. De l’insulter par instants…

Pour cette première journée de demi-finale, l’équipe de France n’en avait que le nom dans l’arène de Cordoue, fief, bien sûr, de l’adversaire espagnol. Les hommes de Guy Forget se sont fait toréer, piquer à l’échine et mettre à genoux, en terre. Battue. Et finalement battus, archi-battus. Et c’est le plus grave, sans combattre, comme des taurillons apeurés.

Gasquet espoir désespérant, Simon mérite la porte…

Que Rafaël Nadal ait écrasé, exécuté Richard Gasquet, on s’y attendait tant l’écart de niveau et d’envie est criant depuis déjà des années entre les deux joueurs. Mais que l’éternel espoir déçu du tennis français n’ait jamais songé à changer de tactique ou au moins à tenter l’impossible pour, qui sait, s’amuser, constitue une très attristante déception. Ou plutôt, et c’est un drame, une confirmation…

Que Gilles Simon ait été dans la foulée humilié par David Ferrer est sans doute pire encore. Simon n’a rien fait, strictement rien fait, pour éviter le ridicule face à un adversaire certes redoutable mais qu’il n’a pas voulu respecter, comme l’on dit aujourd’hui… Simon a passé son temps à maugréer, discutailler sur sa chaise avec son capitaine, s’adresser presque méchamment à une malheureuse ramasseuse de balle et porteuse d’ombrelle… Affligeant ! Je dirais davantage, infamant.

Un conseil, non, je m’emporte, une remarque, une seule, Monsieur le président Gachassin, faites tout pour que la Coupe Davis en Bleu reste digne. De René Lacoste, de Henri Cochet, de Yannick Noah et… de Guy Forget, version 1991 !

Chardy, ou comment gagner sans gagner…

On appelle ça dans le petit Larousse un paradoxe. En tennis, on parle de « perf ». Quand Jeremy Chardy, le petit Français (54e au classement ATP) à la feuille de résultat blanche comme un linge cette année, démolit en Coupe Davis le dixième joueur mondial, Jürgen Melzer, c’est même la surprise du chef.

Un chef, Guy Forget, qui n’en attendait sûrement pas tant pour ce premier tour en Autriche de la part de son ultime roue de secours. Le capitaine avait sorti Chardy de son chapeau désespérément creux après les forfaits successifs de Tsonga, Monfils et Gasquet. On se demande d’ailleurs pourquoi et comment il y avait pensé tant le garçon manquait de tout, résultats, physique et confiance. Il espérait au mieux que Chardy, quand même pas une deuxième série, fatigue un peu pour son long week end le demi-finaliste de Roland-Garros. Le Palois a surpassé ses espérances. Melzer n’a pas eu le temps de se crever. Pourtant pas le premier poulet venu sur le circuit, et de surcroît expert en terre battue, l’Autrichien n’a rien compris au film. « Chardy-land » était bel et bien le spécialiste du jardinage.

Le Pierre Richard du tennis…

Les Autrichiens avaient choisi pour terrain de jeu à Vienne un hangar d’aéroport, pensant impressionner les Bleus. Bleu, je le disais, Chardy l’était avant le match. Noir même. Pas une victoire cette année. Pas même un set en poche. Et, pour compléter le tableau, des pépins de santé du genre à vous miner le moral : un virus mystérieux qui l’avait rendu amnésique (il avait oublié ses nom et adresse) pendant six heures !  De quoi accentuer s’il était possible le désarroi du jeune homme depuis des mois et lui faire perdre la tête. Dans la précipitation de sa convocation de dernière heure, il avait oublié, chez lui à Bruxelles, ce que tout joueur de tennis ne quitte pourtant jamais d’une semelle… ses chaussures…

Pour le prochain tour, c’est évident, il faut rappeler Chardy. Sauf, si d’ici-là, il gagne…

Coupe Davis, les vrais enjeux

Pas d’illusion. Même s’ils ramènent le saladier d’Argent de Belgrade, les joueurs français n’en seront pas davantage les meilleurs du monde. Il est même relativement fréquent, comme cela a souvent été le cas par le passé, que les plus belles performances individuelles en Coupe Davis restent sans lendemain. Alors, pourquoi veulent-ils si ardemment s’emparer de l’un des plus vieux trophées du sport international ?

La gloire ? Depuis plusieurs dizaines d’années, la Coupe Davis n’est plus un événement suivi ailleurs que dans les pays concernés. La popularité du tennis s’est focalisée sur les grands tournois individuels. Serbie-France ne déchaînera les passions que dans les deux pays. Et encore. Guy Forget, Gaël Monfils, Gilles Simon, Michaël Llodra ou Arnaud Clément, voire Richard Gasquet, s’ils reviennent victorieux, ne descendront sans doute pas triomphalement les Champs-Elysées lundi.

Soyons réalistes. Côté tricolore, la victoire sera certainement plus prosaïquement synonyme de profits financiers. Bien plus appréciables que les auréoles de gloire d’antan des René Lacoste, Jean Borotra ou Henri Cochet, pauvres diables du sport qui en étaient quasiment de leur poche à chaque épopée tandis qu’ils étaient de véritables stars internationales! Les temps modernes ont fait basculer le phénomène en sens inverse.Les Français ne sont plus des gros bras sur le plan mondial depuis quatre-vingt ans !  Pas un seul numéro 1 mondial. Mais ils ont brusquement acquis une méthode collective dans les années 80 sous l’ère de Philippe Chatrier et avec l’émergence du phénomène Yannick Noah. Le pays a évidemment adhéré et les contrats publicitaires en simultané. Mais il a fallu que le vainqueur de Roland-Garros en 1983 prenne le capitanat pour que se produise le véritable déclic en 1991.

Gagner un seul match revient à gagner au Loto…

Puis, c’est Guy Forget, le bon élève, qui l’a relayé, avec moins de charisme mais beaucoup plus de diplomatie, et au moins autant d’efficacité. De quoi plaire à la Fédération, aux sponsors et surtout aux joueurs eux-mêmes, trop heureux de la possibilité de savoir qu’ils peuvent, en passant par la moulinette Coupe Davis et en produisant les efforts nécessaires au bon moment, devenir plus grands qu’ils ne sont généralement sur le circuit. Ce fut le cas entre autres d’Henri Leconte, en 1991, d’Arnaud Boetsch, en 1996, et de Nicolas Escudé, en 2001, tous devenus des « légendes » franco-françaises de la Coupe Davis. Les deux derniers en tout cas. Boetsch et Escudé ne sont jamais entrés pendant leur carrière dans les dix premiers mondiaux. Ils ont en revanche gagné au jackpot « Davis ». Un match, un seul (celui contre Kulti en sauvant trois balles de match pour Boetsch, celui contre Hewitt pour Escudé), leur a permis d’assurer leur vie d’après-tennis.

Il ne faut donc pas chercher plus loin la motivation des uns et des autres. La Coupe Davis est pour certains un Loto où les chances au tirage sont élevées …

Llodra remet la volée à la mode

Quel naufrage que la vieillesse, disait le général de Gaulle. En sport, la trentaine s’apparente souvent au troisième âge et rares sont ceux qui durent au-delà de ce cap. Plus exceptionnels encore, les champions qui s’améliorent après cette limite de fraîcheur. Michaël Llodra vient clairement d’entrer dans cette catégorie.

L’attaque, une tactique « oubliée »

Guy Forget ne s’y est pas trompé et a désigné le gaucher parisien pour la deuxième fois consécutive comme l’un de ses deux joueurs de simple de Coupe Davis. Le gaucher parisien a été une nouvelle fois épatant lors du premier match, contre Juan Monaco, de la demi-finale contre les Argentins. Mais pas épatant comme on l’entend dans le tennis moderne, c’est à dire en bombardant du fond de court. Mais en attaquant.Cette tactique « oubliée » par les joueurs depuis Stefan Edberg revient heureusement en grâce avec Llodra. Le plus drôle, c’est que lui-même n’y croyait plus vraiment. « On m’a fait comprendre autour de moi que je pouvais faire mieux si je changeais d’attitude », glissait-il avant ce France-Argentine. « On » ? Probablement Amélie Mauresmo, qui l’a conseillé à Wimbledon cette année. Ou Forget, qui sait ce que le mot offensive veut dire et peut surtout apporter quand on la pratique avec un tel talent.

Llodra ne monte plus en « chaussettes »

Parce que Llodra, sur le plan du service-volée, est sans doute l’un des joueurs du circuit qui en use le mieux. Et plus encore cette saison où il acquiert, l’expérience aidant et avec des certitudes nouvelles sur ses capacités, une sorte de plénitude. Résultat, son classement est au top de sa carrière (30e). Ce Michaël-là est même, exception faite de John Isner, celui qui monte le plus souvent au filet. Mais plus, comme auparavant, « en chaussettes ». Llodra s’est persuadé, ou s’est fait persuader, que ses attaques pouvaient être plus sûres, plus efficaces, en s’appuyant d’abord sur des services travaillés à la perfection ou sur des attaques portées à bon escient.Et comme Edberg, ou Sampras, – voyez la comparaison ! – Llodra possède un sens aigu de la volée, ce coup qui fait désormais peur même à certaines épées du jeu, comme Federer. Encore fallait-il qu’il se mette définitivement l’idée en tête que ce coup pouvait lui profiter face aux meilleurs. Contre Verdasco, 10e mondial, au tour précédent, Llodra avait rendu fou l’Espagnol en multipliant les montées à contre-temps. Contre Monaco, il a récidivé dans ses chevauchées vers l’avant, soixante-douze fois exactement !  Avec une réussite supérieure à cinquante pour cent, ayant pour effet de désorienter les réflexes de son adversaire.

Llodra, la trentaine florissante, coups et idées en place, peut remettre la volée à la mode.