Un peu de la légende de Muhammad Ali (1942-2016) dans mon livre « L’Argent dans le sport (Flammarion, 2004) :
« La brillance de l’étoile d’Ali passe par un sceptre qu’il n’a toujours pas repris. Trois ans vont s’écouler dans cette quête. A la clé une dizaine de combats à moins de cinq cent mille dollars pièce, des misères quelque peu justifiées par des prestations en dent de scie. Dont une défaite cuisante devant Ken Norton.
On apprendra que le vaincu a combattu une heure avec la mâchoire fracturée, ce qui annulera en grande partie les effets du revers. Vient alors la revanche contre Frazier en janvier 1974 qui déclenche encore l’hystérie, toujours au Garden de New-York, toujours pour battre de nouveaux records à l’occasion d’une confrontation sans enjeu : meilleures bourses dont celle d’Ali de un million sept cent mille dollars, recette de dix millions de dollars ramenée par le closed-circuit.
Ce re-match des anciennes gloires – Frazier vient d’être dépossédé de sa ceinture par l’atomique George Foreman en une poignée de secondes – sonne un peu faux. Car le sport est passé très loin derrière la magistrale promotion qui en a été faite. Autour il faut bien le dire de la magie médiatique éternelle d’Ali.
« Rumble of the Jungle » (la Rixe dans la Jungle)
Un chef d’état, Mobutu, beaucoup pour sa propre promotion de mégalomane et très peu pour le bien du peuple noir africain, accueille à Kinshasa le championnat du monde des poids lourds le 30 octobre 1974. Le sémillant néo-organisateur Don King, qui côtoie de façon plus qu’intéressée Ali et Herbert Muhammad, se fera magistralement les dents à travers ce combat dont les bourses des deux boxeurs ont été réglées par le dictateur zaïrois : cinq millions de dollars chacun, « un cadeau au peuple de mon pays ».
Mobutu Sese Seko, considéré à l’époque comme la septième fortune du monde, a fabriqué son trésor en neuf ans par un pillage impitoyable de « son peuple » au revenu annuel déjà pourtant l’un des plus faibles du monde (soixante dix dollars par habitant). A l’issue de ce rocambolesque « Rumble of the Jungle » (la Rixe dans la Jungle) disputé en pleine nuit pour que les télévisions américaines (les droits télé dans le monde se montent à plus de cinquante millions de dollars) puissent diffuser le programme à des heures décentes, Ali récupère son titre.
George Foreman mettra… vingt ans à se remettre de son k.-o. en endossant un costume beaucoup plus pacifique de pasteur. Ali fera de son mieux durant son interminable séjour dans l’ancien Congo (une blessure de Foreman avait retardé le combat de plusieurs semaines) pour ne pas froisser la susceptibilité de Mobutu qui l’avait somptueusement rétribué.
Ali ignorait-il que le sanguinaire tyran avait fait assassiner dans les coursives du stade plusieurs dizaines d’opposants au régime deux mois avant l’arrivée du cirque King ? « Big George » retrouvera en 1994 un titre de champion du monde des lourds, pas le titre réunifié il est vrai, à 45 ans. Définitivement retraité, il deviendra avant l’an 2000 le sportif le mieux payé du vingtième siècle… à ne pas faire de sport en décrochant avec un fabricant de grille-viandes, Salton, un contrat qui l’enrichira de deux cent millions de dollars… »