Il gagne toujours, ou presque. Quand il perd, c’est par distraction, comme aux derniers Championnats du monde. Pour mieux renaître. Comme les dieux de l’Olympe, il règne sur son Mont, Usain Bolt. On le voit parfois redescendre parmi les mortels, pour leur signifier sa joie ou son courroux. C’est selon son humeur.
Ce dimanche, il était les deux à la fois, le Jupiter des pistes. Très fâché c’est sûr depuis un an qu’on puisse douter de ses pouvoirs et, pire, qu’on ose les contester. Et très heureux et soulagé de ses affres à l’issue de son cent mètres où il avait craché un feu d’enfer sur les pauvres tout petits Géants qui avaient fomenté contre lui la révolte terrestre.
Oui, Bolt a retrouvé sa machine à créer la foudre. Il est le dieu moderne de l’olympe. Plus Zeus que Zeus, il n’a besoin de personne, ni autres dieux, ni rien. Le Jamaïcain fait tout lui-même. Et le spectacle, surtout le spectacle, rien que le spectacle en fait. Acteur, metteur en scène et producteur de ses exploits et donc de sa légende, dans laquelle il avait promis d’entrer et dont il ne sortira plus depuis ce prodige londonien…
Dans l’histoire moderne des Jeux de Pierre de Coubertin, on n’avait jamais observé une telle prouesse, un tel scénario, aussi bien ficelé et maîtrisé de bout en bout par un homme, un seul. Et aussi adapté à son époque du médiatique, du numérique, du tellurique…
Usain Bolt, plus fort que Carl Lewis, plus mythique que Michael Phelps… des demi-dieux !
Bolt a conçu tout seul l’histoire de sa mise au point, et réalisé le déroulement du châtiment qu’il devait infliger aux insoumis. Scène par scène. Il l’a formaté plutôt, à son entier bon vouloir. Il a fait monter le suspense de longs mois durant. En se blessant, s’accidentant (en voiture, à Kingston, au petit matin paraît-il), disparaissant mystérieusement et réapparaissant.
Et pour faire encore monter la tension, il a été jusqu’à se faire battre par un autre génie, mortel lui. Certes beaucoup plus menu et effacé que la figure tutélaire, mais menaçant comme un tremblement de terre, en la personne de son compatriote des îles, Yohan Blake.
Et finalement, Usain a accompli son déchaînement final, son chef d’oeuvre, en forme de show, bien sûr, au stade olympique. Comme lui-seul pouvait le faire. Souriant et énigmatique en séries, ironique et surpuissant en demi-finales, magnifique et invincible en finale… Plus fort que Carl Lewis, plus mythique que Michael Phelps, des demi-dieux…