De temps en temps, et c’est salutaire pour l’équilibre, il faut faire la part des choses. Ne plus se focaliser, ratiociner ou s’escrimer sur les petites choses qui finissent par bouffer nos petites santés. Et reprendre un peu de hauteur par rapport aux événements de l’heure.
Ces Jeux Londoniens nous émerveillent et souvent nous crispent. On se frustre, on stresse. A mort. A tort.
Hier, je ne savais plus trop ou donner de mes doigts de télécommande. Mon cerveau me commandait des trucs à la chaîne au gré des épreuves. Je zappais comme un dingue, de l’athlétisme au ball trap et de l’aviron au tennis. Mais il y avait aussi la natation et ce fou furieux de Michael Phelps sans parler de Patrick Montel à l’athlétisme…
Et je m’échauffais de plus en plus parce que la journée était mal partie avec un ignoble coup de Trafalgar des Anglais, leur dixième au moins en une semaine. Leur duo de couple sans barreur mais avec ignominie avait inventé le faux roulage de pelle, une sorte d’english kiss, et faussé le résultat d’une finale dont nos Français auraient du sortir médaillés.
Et en soirée j’avais pas mal déprimé à la vue des trois médailles d’or des rosbeefs au stade olympique. Dont celle du dénommé Rutherford, le sauteur en longueur bien connu de son entraîneur et de son fournisseur de lacets de chaussures à pointes. Et puis, un flash avait illuminé mon circuit neurologique à la vue du tableau des résultats du concours…
Jesse Owens, médaillé de bronze à Londres 2012…
Le troisième, un certain Claye, Etats-Unis, avait sauté 8,12 m. Allez savoir pourquoi, j’y avais ajouté un pauvre centimètre et obtenu un nombre enfoui dans ma mémoire. Et associé dans la foulée à un nom et un prénom, Owens, James-Cleveland, surnommé J.-C. (Jici) et donc Jesse par son institutrice qui avait mal compris le petit gamin quand il lui avait timidement décliné son identité.
Le petit bout de chou noir et compatriote de Claye était devenu le plus fameux athlète du siècle et rendu malade pendant quatre jours d’affilée en 1936 à Berlin tout un régime d’infects individus et son cloporte en chef. Quatre médailles d’or, quatre claques dans la gueule d’Hitler. Quelques mois auparavant, à Ann Arbor, l’étudiant avait battu quatre records du monde en une heure, dont celui du saut en longueur : 8,13 m…
Un vrai bond en avant, en avance, fabuleusement en avance. Soixante-seize ans plus tard, il lui aurait donc valu le bronze à Londres. Et l’or encore sans doute, si l’on veut bien tenir compte des légères évolutions survenues en trois-quarts de siècle. Owens sautait sur une piste en cendrée, sans chaussures à semelle carbonée, sans tests en soufflerie, sans régime glucotiques ni une équipe de préparation d’une demi-douzaine de scientifiques.
Ce matin, je relativise donc. Je recadre, je remets en perspective les exploits de ces Jeux 2012. Et, ça n’a rien à voir mais ça me détend, je ne pique même pas ma crise contre les incohérences de la télévision publique française, toujours pas foutue de nous montrer la bonne prouesse au bon moment et avec le bon jugement… Tout ça n’est pas bien grave. Tant que ce vieux Jesse saute dans les étoiles…