Manaudou et Nadal, vingt fois sur le métier…

Ils sont admirables. Des champions de la trempe de Laure Manaudou et Rafael Nadal forcent le respect. Leurs exploits parlent ou ont « parlé » pour eux. J’ai souvent remarqué que le charme s’étiolait déjà un peu dès lors que les champions parlaient, cette fois au vrai sens du terme, de leurs prouesses. Le fameux décalage entre l’image et le son…

Les sportifs feraient-ils mieux de se taire ? Sont-ils moins à même que d’autres de commenter tout et n’importe quoi ? Non, bien sûr. Toute parole, dirait le penseur, en vaut une autre, et en dit toujours plus long qu’elle n’en veut apparaître. Mais ce qui frappe, à l’heure de cette parole de plus en plus publique, celle des réseaux numériques (dits sociaux), c’est que tout le monde la veut… Laure Manaudou s’est, hier, empressée de la prendre… au milieu de deux courses des Championnats de France, cruciaux pour sa qualification aux Jeux de Londres. Par deux messages postés sur Twitter, à la va-vite, et sur un sujet ô combien sensible qui venait malheureusement de s’inviter dans l’actualité, la tuerie de Toulouse.

En 280 signes (deux fois 140), la championne olympique s’est attirée un tollé d’indignation. Plus par maladresse et incompréhension du contenu de son message que par incongruité des termes. Manaudou n’en a évidemment pas compris sur le coup la portée. Ce qui est une phrase de comptoir ou lancé pendant un dîner entre amis n’est pas, pas du tout, compris de la même façon quand il est traduit en signes, dans un média ou sur la Toile. L’auditoire n’est plus le même et les significations diffèrent. D’autant plus que la célébrité de l’auteur est grande. Les réactions ont été très vives de la part des acteurs que Manaudou ne connait pas ou ne connaissait pas, les nouveaux acteurs du débat public, vous et moi, les twitters, les facebookers, les blogueurs…

En plaignant les victimes du drame, Manaudou se sentait solidaire et le faisait savoir avec une compassion louable. En pointant dans un deuxième message une cause, qu’elle considérait essentielle, de ce drame (« les jeux vidéo à la c.« ), il n’en fallait pas plus pour qu’on lui retourne en pleine figure ses arguments cette fois totalement décalés. La championne était passée en « mode » mère de famille et s’était exprimée comme telle le temps d’un twitto. Erreur. Faute. Manaudou, comme la majorité des citoyens, est responsable (si c’est bien elle qui est l’auteur de ces tweets, et pas un Community manager, comme ils sont désormais appelés) de ses actes. Mais elle n’a pas semble-t-il pris conscience de celui-là, préférant fermer son compte Twitter après le flot d’injures qui l’a encombré en quelques heures.

Nadal aurait sans doute pu donner la leçon de communication à Manaudou

Manaudou aurait-elle dû s’excuser ? Ou avouer en partie sa faute ? Rafael Nadal a reconnu dans une interview donnée ce mardi à L’Equipe qu’il était peut-être naïf. Naïf de croire que le dopage était en quelque sorte une exception à la règle générale d’un sport propre. L’aveu est honorable quoique… moins naïf qu’il n’en a l’air. On ne peut croire tout à fait le sextuple vainqueur de Roland-Garros. On peut lire entre les lignes qu’il reconnaît au moins, et c’est un pas en avant par rapport à ses plus anciennes déclarations (« le dopage n’existe pas« ), une certaine évolution dans son évaluation de la situation. On n’en attendais pas moins d’un jeune homme qui n’a cessé depuis ses débuts de progresser en tous domaines et notamment, c’est sans doute le plus important, dans celui de la réflexion. Voilà en quoi le numéro 2 mondial aurait pu donner la leçon à Manaudou dans une discipline que les sportifs sont tellement loin de dominer, et leurs excuses sont naturellement grandes, la communication.

Car Manaudou n’a pas voulu, elle, invoquer ce que Nadal appelle sa naïveté, et que moi, sans péjoration aucune, j’appellerais incompétence ou inconscience. Elle a parlé de « négativité » pour justifier son retrait du réseau de micro-blogging qui tout à coup ne lui voulait plus de bien. Nouvelle erreur. D’elle ou de ses conseillers, encore un débat, celui des champions en butte à la masse des nouveaux citoyens de la parole… Et puis, elle s’est faite encore plus girouette 24 h plus tard, annonçant par le biais d’un autre compte, celui de son compagnon Frederick Bousquet, qu’elle ouvrait un nouveau canal… Oui, sportifs, tournez sept fois votre langue avant de twitter, et vingt fois sur le métier…

…Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette, ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.*

*Nicolas Boileau (Art poétique)

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