Ils sont grands et forts. Immensément. On n’a sans doute jamais observé de tels phénomènes dans leur sport, l’athlétisme et le judo. Et plus personne d’ailleurs, témoins ou adversaires, ne leur conteste une suprématie qu’ils assument sans gêne apparente. La gloire et les records semblent glisser sur eux comme l’eau sur les rochers. Usain Bolt et Teddy Riner, à respectivement 25 et 22 ans, sont des « montagnes, des mers, ce qu’on voudra, excepté quelque chose à quoi puissent se comparer les autres hommes« , comme le disait Jules Renard à propos de Victor Hugo…
Bolt est si rapide et Riner si puissant que leurs concurrents n’en sont plus, réduits au néant. Mais, samedi, comme Teddy l’année dernière en finale des Championnats du monde de judo, Usain a failli en finale du 100 mètres des Championnats du monde. Il n’a pas été battu, il s’est battu lui-même. Son cerveau l’a trahi, victime du mal du siècle, la pression. Le mot fait peur au point que ces invincibles la fuient comme la peste et ne le prononcent même plus, comme la corde sur un bateau ou dans un théâtre.
Pour Bolt et Riner, c’est la « pression » l’ennemi ultime…
Teddy Riner, depuis son échec olympique, et surtout celui de l’an dernier, ne veut plus en entendre parler. Il fonce, tous muscles bandés, vers son seul objectif, celui de sa vie, l’or olympique. A Bercy, le colosse a tout écrasé, broyé, sur son passage, faisant presque autant de victimes que l’ouragan Irene. Riner n’était plus un judoka mais un anticyclone qui évacuait la fameuse surdose de pression. Ce n’était pas une bagarre d’un humain contres d’autres, mais une lutte d’un phénomène de la nature contre des millibars en trop ou en moins autour d’elle…
A notre époque, cette pression devient chaque année plus forte. Les millions de fans s’accumulent sur la Toile, les sponsors paient les exploits de plus en plus cher et les medias démultiplient partout sur la planète le bruit des prouesses jusqu’à l’assourdissement. Bolt et Riner ne font finalement que traquer constamment cet ennemi bien plus costaud et sournois que leurs opposants. Le premier la moque en jouant au clown, le second la toise de son armure de muscles. Tout n’est qu’histoire d’intimidation.