Seraient-ils les nouveaux Arthur Rimbaud ? Nos sportifs ont en ce moment une fâcheuse tendance à se créer leur propre Enfer ou à, comme pour un autre cauchemardeux, Charles Baudelaire, se forger des âmes de poète maudit. Plus leur carrière avance et Mathieu Bastareaud, Yoann Gourcuff ou Aravane Rezaï s’enfoncent dans l’incompréhension, la leur propre, et amplifient chaque jour celle des autres à leur encontre. A moins que, pourquoi pas, ce soit l’inverse. Et que, le fameux Enfer, ce soit le monde qui les entoure…
Prenez le trois-quart centre du Stade Français. Bâti de corps pour le rugby. Une entrée de bulldozer en équipe nationale il y a deux ans. Et, en apparence, un calme et une tranquillité faits pour durer. Et puis, patatras. Le jeune homme fléchit progressivement dans ses performances et craque au mauvais moment au mauvais endroit, au pays même du jeu, en Nouvelle-Zélande. Une sortie nocturne, un fait plus que commun dans le milieu, qui se transforme pourtant en fait divers puis, et c’est le plus grave, en parjure. Du statut inventé d’agressé, Bastareaud passe à celui de menteur. L’affaire le dépasse. Soins psychiatriques. La chute.Bastareaud n’est jamais revenu à son niveau. Et il en semble plus que jamais incapable selon les dires, ce mardi, du sélectionneur Marc Lièvremont, qui enfonce une nouvelle fois le clou à son sujet. Mais, joli paradoxe, le patron des Bleus, lui-même piètre communiquant, stigmatise la « façon de communiquer » (dans la presse) de celui qu’il persiste à exclure de son groupe. Donc, Bastareaud serait non seulement fragile mais en plus mal conseillé et mauvais vecteur de ses pensées… Beaucoup pour un seul homme. Lièvremont, c’est ma conviction, n’a pas voulu accabler Bastareaud. Je suis même persuadé que son intention était inverse. Mais quand un autiste veut expliquer la psychologie d’un autre autiste…
Ces enfants de la balle perdus dans l’univers des maux et des mots…
Voyez maintenant le cas Gourcuff dont le talent inouï se dilue depuis un an et demi dans le bruit et la fureur de tout ce qui entoure le prodige, équipe de France, transfert record de Bordeaux à Lyon, critiques d’anciens partenaires… Et les ressemblances frappantes avec le traumatisme précédent. Une sensibilité exacerbée qui ne peut sans doute se marier avec le maelström médiatique.Dernière enfant de la balle perdue dans l’univers des mots et des maux, Rezaï. Pauvre Aravane. Dont la dernière conférence de presse représente le syncrétisme du monde de la communication moderne. La jeune fille s’en prend, sans s’en prendre, à son père, faux papa poule, avec qui elle ne peut couper le cordon ombilical. Téléguidée par des agents âpres à ne pas perdre leur poule aux oeufs d’or, Rezaï a récité sa leçon de volonté : « Je veux prendre ma vie en main ». On voudrait la croire…